dente sont maintenant dirigés sur d’autres objets. Partez, Signore, on vous manquerez à votre parole.
— Partir seul, mon père ?
— Donna Violette doit-elle quitter la maison de ses ancêtres aussi promptement qu’un domestique qu’on renvoie ?
— Signor Monforte, vous ne pouviez pas, dans cette entrevue, concevoir d’autre espérance que celle de voir agréer vos offres dans l’avenir… quelque gage…
— Et ce gage ?
Les regards de Violetta se tournèrent alternativement sur sa gouvernante, sur son amant, sur le religieux ; puis enfin ils se fixèrent à terre, lorsqu’elle dit :
— Ce gage est à vous, Camillo.
Un cri de surprise échappa en même temps au carme et à la gouvernante.
— Pardonnez-moi, mes amis, ajouta donna Violetta en rougissant, mais d’un ton décidé. J’ai peut-être encouragé don Camillo d’une manière que vos conseils et la modestie d’une jeune fille condamnent ; mais pensez que, s’il avait hésité à se jeter dans le Giudecca, je n’aurais pas aujourd’hui le pouvoir de lui accorder cette légère faveur. Pourquoi serais-je moins généreuse que lui ? Non, Camillo ; lorsque le sénat me condamnera à donner ma main à un autre que vous, il prononcera pour moi la sentence du célibat. J’irai cacher dans un cloître la douleur que je nourrirai jusqu’au tombeau.
Il y eut une interruption solennelle à ce discours, dans lequel donna Violette s’était expliquée avec tant de franchise. Le son d’une cloche se fit tout à coup entendre. C’était un valet de chambre de confiance ; qui avait reçu l’ordre de s’annoncer ainsi avant d’entrer. Comme cette recommandation avait été suivie de celle de ne point paraître avant d’avoir été appelé, à moins d’une circonstance grave, le signal causa un silence subit, même dans ce moment intéressant.
— Qu’est-ce que veut dire cela ? s’écria le carme en s’adressant au valet qui entrait brusquement. Que signifie cette interruption malgré mes ordres ?
— Mon père, la république !
— Venise est-elle dans un si grand danger qu’on vienne appeler les femmes et les prêtres à son secours ?