Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/65

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— Je crois, signora Florinda ; que votre pupille a passé plus de temps au milieu des romans de la bibliothèque de son père qu’elle n’en a consacré à lire ses Heures.

Les regards de Violetta brillèrent d’un nouveau feu, et elle glissa son bras autour de la taille de sa tremblante compagne qui se couvrit de son voile en écoutant ce reproche, quoiqu’elle dédaignât de répondre.

— Signor Gradenigo, dit la jeune héritière, si je fais peu d’honneur à ceux qui sont chargés de m’instruire, la faute doit en retomber sur moi et non sur une personne innocente. Je prouve d’ailleurs qu’on n’a point oublié de m’enseigner les devoirs d’une chrétienne, puisque je viens plaider en faveur d’une personne à qui je dois la vie. Don Camillo Monforte réclame depuis longtemps sans succès des droits si justes que, s’il n’existait aucun autre motif de les lui accorder, l’honneur de Venise devrait enseigner aux sénateurs le danger de le faire trop attendre.

— Je vois maintenant que ma pupille a employé ses moments de loisir avec les docteurs de Padoue. La république a ses lois, et ceux qui ont des droits à leur appui ne les invoquent point en vain. Ta reconnaissance est juste ; elle est digne de ton origine et de tes espérances. Cependant, donna Violetta, nous devons nous rappeler combien il est difficile de distinguer la vérité de l’imposture et de la subtilité des plaideurs. Il faut qu’un juge ait acquis une certitude avant de prononcer un arrêt, afin de ne point confirmer les droits de l’un en détruisant ceux d’un autre.

— On se joue des siens. Né dans un royaume éloigné, on lui demande de renoncer à des terres qu’il possède à l’étranger, et qui ont deux fois la valeur de celles qu’il obtiendrait en échange dans les limites de la république. Il use sa vie et sa jeunesse à poursuivre un fantôme. Vous avez un grand crédit dans le sénat, mon tuteur ; et si vous lui prêtiez l’appui de votre voix puissante et de votre grande instruction, un noble offensé obtiendrait justice, et Venise, en perdant une bagatelle sur ses revenus, mériterait mieux encore la réputation dont elle est si jalouse.

— Tu es un avocat éloquent, et je penserai à ce que tu me demandes, dit le signor Gradenigo, dont un sourire d’indulgence dissipait déjà le nuage qui tout à l’heure assombrissait son front, trahissant ainsi sa facilité de changer l’expression de ses traits suivant sa politique. Je ne devrais entendre plaider la cause du