Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/10

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les masses de toits, les tours des églises, les façades irrégulières des murailles, et souvent le château qui s’élève sur le pinacle, par derrière, donnent à une ville l’apparence d’un vaste monument antique consacré à un seul objet. Peut-être les bourgs du Rhin ont-ils quelque chose de moins pittoresque que les villages de France et d’Italie, car les Allemands ménagent plus le terrain que ne le font leurs voisins ; cependant ils ont encore quelque chose de plus saillant que les riants et heureux petits villages qui encombrent les bords de l’Hudson. On doit ajouter à cet avantage celui qui naît des ruines innombrables, et d’une foule de souvenirs. Ici, la supériorité des auxiliaires du Rhin cesse, et ceux de son rival commencent à l’emporter. En fait de demeures modernes, de villes et même de maisons de plaisance, celles des princes seules exceptées, les bords de l’Hudson n’ont peut-être pas leurs égaux dans aucun pays. Il y a de plus beaux et de plus nobles édifices sur la Brenta et dans d’autres lieux favorisés, cela est certain ; mais je ne connais aucun fleuve qui ait autant de ces attraits qui charment et captivent les regards. Pour le mouvement, objet important de la comparaison, l’Hudson n’a peut-être aucun rival parmi les fleuves qui prétendent à un caractère pittoresque. Relativement au nombre des vaisseaux, à la variété de leurs agrès, à la beauté de leurs formes, à la promptitude, à l’habileté de la manœuvre, ce canal commercial prend son rang parmi les premiers fleuves du monde. Les vergues de vaisseaux aux mâts élevés se balancent parmi les rocs et les forêts des coteaux, tandis que les chaloupes, les goélettes, les élégants bateaux à vapeur, les yachts, les pirogues et les canots, effleurent les ondes par milliers. Il existe encore une preuve éloquente qui ne doit pas être négligée. Des peintures et des gravures des bords du Rhin prêtent leurs avantages ordinaires à des objets qui, vus tels qu’ils existent, n’ont rien de bien frappant ; elles les adoucissent, et souvent leur donnent une grande beauté, au lieu que toutes les tentatives de ce genre pour représenter des points de vue de l’Hudson sont toujours restées bien au-dessous de l’original.

La nature est prodigue de beaux points de vue dans tous les pays, et c’est une duperie de ne point jouir de ses dons, en avançant dans la vie, parce qu’il existe une supériorité prétendue dans telle on telle partie du monde. Nous quittâmes donc le Rhin avec regret ; car, à mesure qu’on avance sur ses bords, on est obligé