Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été une tâche laborieuse, fatigante, embarrassante et quelquefois pénible. Se défaire des impressions de la jeunesse ; se pénétrer des faits qui ne doivent leur mérite qu’à l’habitude qu’on a de les admirer ; analyser et comparer l’influence des institutions, du climat, des causes naturelles et de la pratique ; séparer ce qui est simplement une exception de ce qui forme règle ; obtenir des notions exactes des choses physiques, et, par-dessus tout, posséder le don de faire accorder la concision avec l’exactitude ; tout cela demande une combinaison de temps, d’occasions, de connaissances préparatoires et d’aptitude naturelle, qui est rarement accordée à une seule personne. On commence souvent cette tâche, préparée par des connaissances acquises qui ne sont rien moins que des préjugés résultant de vues politiques ou des difficultés dont nous venons de parler ; puis on avance, anticipant en quelque sorte sur les preuves qu’on va chercher, et limitant ses plaisirs à cette sorte de jouissance que les esprits médiocres éprouvent à suivre la route qui leur est tracée par des esprits supérieurs. Comme les particularités caractéristiques de chaque peuple sont assez apparentes, le voyageur ordinaire convertit les faits évidents par eux-mêmes en faits découverts par l’observation, et devine ce qui est caché, par analogie avec ce qui est palpable. Pour un semblable voyageur, le temps use en vain les hommes et les choses ; il accorde sa croyance à la dernière opinion de sa secte avec un dévouement qui pourrait mériter le salut dans une meilleure cause. Pour lui, le Vésuve est toujours de la même hauteur, et produit exactement le même effet qu’avant l’affaissement du cratère ; il examine les ouvriers travaillant à exhumer les murs d’une maison enfouie, et se réjouit d’avoir assisté à la résurrection d’une habitation voisine enseveli depuis dix-huit cents ans, simplement parce que le vulgaire raconte que Pompéi a disparu à cette époque. Si par hasard il est savant, quelle est sa joie en suivant un cicérone (titre usurpé par quelque rusé servitore di piazza) au petit jardin qui domine le Forum romain, et en s’imaginant qu’il se trouve sur la roche Tarpéienne. Sa confiance dans les qualités morales et les vertus nationales, l’idée qu’il prend des mœurs d’un peuple, sont également subordonnées aux dernières rumeurs populaires. Un Français peut battre incessamment le pavé dans le gras de Paris, rempli d’un alcool inflammable comme la poudre à canon, et aux yeux de