Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/102

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notre voyageur cela passera pour l’expression de la vivacité française ; car il est contre la règle qu’un Français s’enivre, et il est connu du dernier novice que la France est une nation de danseurs ; tandis qu’un brave général, le respectable alderman, l’honorable conseiller du roi, divagueront sur un sujet pendant une demi-heure dans la chapelle de Saint-Étienne de manière à confondre toute conclusion, et généraliseront de manière à faire perdre de vue tout détail, notre auditeur sortira convaincu de l’excellence de la grande école moderne, parce que l’orateur aura été porté aux pieds de Gamaliel. Lorsqu’un homme doué de ces facultés souples arrive sur une terre étrangère, comme son respect pour son propre pays diminue tandis qu’il avance ! Combien peu d’hommes sont doués d’une pénétration suffisante pour percer le brouillard des opinions reçues ! Il en existe encore moins dont l’esprit soit assez fort pour remonter le courant. Celui qui précède son siècle est moins à portée d’être compris que celui qui vient en arrière, et lorsque la masse atteint lentement l’éminence sur laquelle il est depuis longtemps l’objet des commentaires de chacun, on peut être certain que ceux qui étaient ses plus amers censeurs lorsque sa doctrine était nouvelle, seront les premiers à réclamer l’honneur d’avoir devancé les autres. Bref, pour instruire le monde, il est nécessaire de surveiller le courant, et d’agir sur l’esprit public comme le gouvernail invisible, par des variations légères et imperceptibles, évitant, comme le dirait un marin, les forts roulis, de crainte que le vaisseau ne refuse d’obéir au timon, et ne se laisse emporter avec le flot.

Nous avons été conduit à ces réflexions par les fréquentes occasions que nous avons eues d’être témoin de la facilité avec laquelle on adopte des opinions sur les Américains, parce qu’elles sont sorties de la plume d’auteurs qui depuis longtemps contribuent à nous amuser et à nous instruire, mais qui sont tout à fait sans valeur par l’ignorance inévitable de ceux qui les professent, et par les motifs hostiles qui leur donnent naissance. Nous n’avons rien à dire aux individus qui prétendent au bon ton en dépréciant leurs compatriotes, puisqu’ils sont tellement au-delà de toute amélioration, qu’ils ne peuvent comprendre toutes les hautes et glorieuses conséquences qui dépendent de ce grand principe dont notre république est la tutrice. Leur sort est depuis longtemps fixé par une sage et permanente provision de sensibilité humaine ;