Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/114

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— Notre frère Siegfried a cédé à la faiblesse de la nature, noble Emich, reprit le père Boniface, souriant aussi tranquillement que ses traits agités et son œil brûlant pouvaient le lui permettre. Un prêtre ne peut en supporter plus qu’un laïque, sans cela tes flacons y auraient passé jusqu’à la dernière goutte, car jamais meilleures intentions ne remplirent un cœur plus reconnaissant que le sien, lorsqu’il s’agit de faire honneur aux dons de la Providence.

— Oh ! oh ! vous autres moines, c’est avec ces subtilités que vous couvrez vos débauches, tandis que nous autres hommes de guerre, maître abbé, nous péchons le soir et nous demandons l’absolution le matin, sans trouver d’autre excuse que le besoin de satisfaire nos plaisirs. Mais le capuchon d’un moine est un masque, et celui qui le porte croit qu’il a droit aux privilèges. Je voudrais savoir le nombre des femmes de bourgeois que vous avez confessées depuis le corpus Domini !

— Ne plaisantez pas avec les secrets du confessionnal, comte Emich ; le sujet est trop sacré pour des langues profanes : on a puni pour cette faute de plus grands personnages que vous.

— Ne vous méprenez point à mes discours, saint abbé, reprit le baron en faisant précipitamment le signe de la croix ; mais les plus hardis nous disent qu’il y a du mécontentement à Duerckheim à ce sujet, et j’ai cru qu’il était généreux de communiquer les accusations de l’ennemi. Nous sommes dans un temps dangereux pour les moines d’Allemagne, car, en vérité, votre frère d’Erfurth montre du bon sens dans ses plaintes contre Rome.

Les yeux du père Boniface lancèrent des flammes, car il n’y a pas d’hommes qui ressentent plus promptement et avec plus de violence une injure sur ce qu’ils considèrent comme leurs droits, que ceux qui jouissent depuis longtemps de prérogatives, quelque fragiles ou injustes que soient leurs droits de possession.

— Au fond de ton cœur, Emich, dit-il, tu as de l’inclination pour l’hérésie. Prends garde à la manière dont tu feras pencher la balance, par le poids de ton exemple, contre les commandements de Dieu et l’autorité de l’Église ! Quant à ce Luther, misérable calomniateur, qu’une ambition inquiète et son amour pour une religieuse égarée ont conduit à la rébellion, les démons se réjouissent de son iniquité, et les esprits des ténèbres se tiennent prêts à s’emparer de leur proie à sa chute finale.