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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/156

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— As-tu entendu parler du succès de la nuit dernière ? demanda brusquement le comte.

— Non, Monseigneur, pas encore ; et cependant je suis impatient de connaître tout ce qui touche les intérêts de Votre Seigneurie.

— Ces coquins de chanteurs de messes ont perdu leur tribut sur les vignes ; ils en sont également dépouillés. Tu as entendu parler de nos longues épreuves sur la force de notre tête ; j’avais eu l’intention de te prier d’être mon second dans ce banquet, mais la présence de ces oisifs et les devoirs de l’hospitalité me forcèrent de préférer mes deux commensaux. Tu aurais été un vigoureux champion dans un pareil combat, Heinrich !

— Je vous remercie, seigneur comte, et me trouve aussi honoré que si cette faveur m’avait été accordée. Je vaux tout autant qu’un autre à table, et je puis me vanter de bien porter le vin ; mais les temps où nous vivons nous font un devoir d’être prudents, nous autres qui appartenons à l’ordre civil. Le peuple désire obtenir de graves et déraisonnables privilèges, comme, par exemple, le droit de vendre sa marchandise sur la place du marché à des heures qui ne seraient pas convenables pour le repos des bourgmestres, et autres innovations contre lesquelles nous nous élevons fortement, de crainte qu’avec le temps elles ne viennent à envahir notre autorité, et ne causent une espèce de convulsion dans l’état. Si nous donnions licence à des prétentions aussi extravagantes, seigneur comte, la ville entière ne serait que confusion, et Duerckheim, si renommée par son ordre, pourrait, à juste titre, être comparée aux huttes de cette terre lointaine qu’on appelle Amérique, et dont on s’est tant occupé dernièrement. Nous sommes donc obligés d’observer notre conduite, car nous avons des ennemis fort empressés à nous nuire, et qui n’ont pas grande indulgence. À toute autre époque j’aurais vidé la cave d’Heidelberg en votre honneur.

— Tu n’aurais pas couru ici le danger d’être observé, et, par les trois rois de Cologne ! je saurais comment punir le coquin qui hasarderait de porter un œil curieux dans l’intérieur de ces murailles. Mais ta discrétion est digne de ta prudence, Heinrich, et je pense comme toi que les temps ne sont pas sans danger pour les amis de l’ordre et des institutions depuis longtemps établies. Que veulent les coquins qui troublent ainsi ton autorité ? Ne