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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/157

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sont-ils pas nourris et habillés ? ne possèdent-ils pas des privilèges sans nombre ? Si on laissait faire ces affamés, ils envieraient tous les morceaux délicats que leurs supérieurs portent à leur bouche, ou chaque goutte de généreux vin du Rhin qui humecte leurs lèvres.

— Je crains noble Emich, que cet esprit de jalousie ne fasse partie de leur basse nature. J’ai rarement consenti à céder à leurs demandes, quand ils désiraient prolonger le temps consacré à leurs divertissements, ou au débit de leur marchandise sur le marché, de peur que cette indulgence ne donne lieu à des demandes plus importantes. Non, celui qui veut gouverner tranquillement et à son aise doit gouverner despotiquement, ou nous deviendrons tous de véritables sauvages, plus faits pour vivre dans les forêts des Indes, qu’au milieu de nos villes civilisées.

— De plus dignes paroles ne furent jamais prononcées dans ton conseil, et je connais bien la tête qui les dicte. Si j’avais eu l’occasion de t’appeler ici pour le banquet, ton excuse m’eût satisfait, bien qu’il s’agît de plus d’un quartier de vignes. Mais que penses-tu, l’ami Heinrich, des religieux aujourd’hui, et de leur compagnie guerrière ?

— Il est certain que le duc Frédéric les soutient, et pour parler franchement à Monseigneur, je lui dirai que ces hommes d’armes ont l’air de gens qui ne céderaient pas la montagne sans combattre.

— Est-ce là ton opinion, bourgmestre ? C’est bien dommage que des hommes d’une valeur éprouvée s’entre-tuent pour la commodité et le bon plaisir de bénédictins tondus. Que peut-on dire en faveur de prétentions si audacieuses, et qui sont si offensantes tant pour moi, comme noble de l’empire, que pour tous ceux qui ont quelque importance à Duerckheim ?

— Ils font un grand tort à la vertu des anciens usages et à l’origine sacrée de leur mission.

— Autant de respect que vous voudrez pour des droits qui sont scellés par le temps, car c’est là le cachet qui donne de la valeur à mes propres droits, et la plupart des privilèges de ta ville sont principalement consacrés par l’usage. Mais je leur reproche des abus, et je tiens qu’il est indigne de ceux qui peuvent se venger de se soumettre à une injure. Les moines pressent-ils encore la ville pour les redevances ?