Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/18

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un mur. Mais les principaux édifices avaient été construits, et se voyaient encore, près le centre longitudinal, sur le bord du précipice qui se trouvait à l’est. Il restait assez du bâtiment pour se former une idée de son ancienne magnificence. Contrairement à presque toutes les ruines qui bordent le Rhin, la maçonnerie était de la même main-d’œuvre ; les murs étaient non seulement massifs, mais composés de pierres à sablon régulièrement taillées ; des couches immenses de ces matériaux existent dans toute cette partie de l’Allemagne. Je reconnus la chapelle, encore assez bien conservée, le réfectoire, cette consolation de la vie ascétique, plusieurs édifices qui servaient probablement de dortoirs, et quelques vestiges des cloîtres. Il existe aussi une tour élevée dont la forme monastique suffit pour donner un caractère religieux à ces ruines. Elle était fermée, pour empêcher les curieux de se hasarder sur ses marches chancelantes ; mais on peut facilement reconnaître qu’elle a servi à renfermer les cloches consacrées. Il y a aussi près d’elle les nobles restes d’une arche dont les pierres mal jointes menacent la tête de celui qui veut les examiner de trop près.

M’éloignant de la ruine, je jetai un regard sur une vallée des environs. Bien de plus doux et de plus charmant que cette vue. Plus un don est limité, plus l’homme s’y affectionne ; ce sentiment, qui est une espèce de nécessité, avait engagé les habitants de ce lieu à tirer tout le parti possible de ce bas-fond : les Alpes ne sont pas mieux tondues que les prairies qui étaient à mes pieds, et l’on avait également utilisé deux ou trois ruisseaux qui serpentaient au milieu d’elles. L’écluse d’un moulin rustique rejetait les eaux dans un lac en miniature, et quelque zélé admirateur de Neptune avait établi un cabaret sur ses bords, qui portait une ancre pour enseigne ! Mais l’effet principal du point de vue provenait des ruines d’un château qui occupaient une terrasse naturelle, ou plutôt la projection d’un roc, appuyé contre une des montagnes. La route passait immédiatement sous les murs, à une portée de flèche des créneaux, la position ayant été incontestablement choisie comme dominant la route des voyageurs. Je n’eus pas besoin des explications du guide pour savoir que ces ruines étaient le château d’Hartenbourg ; il était encore plus massif que les restes de l’abbaye, bâtie des mêmes matériaux, et, suivant toute apparence, dans différents siècles ; car, tandis qu’une partie était irrégulière