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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/19

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et grossière comme presque toutes les constructions du moyen âge, il y avait des tours saillantes dans les embrasures pour l’usage de l’artillerie. Un de leurs canons, élevé à une hauteur convenable, aurait pu envoyer son boulet sur la plate-forme de l’abbaye, mais sans danger même pour les murailles en ruines.

Après avoir étudié pendant une heure les différents objets de cette scène charmante, je demandai au guide quelques détails sur le Camp des Païens et la Pierre du Diable. Tous les deux étaient sur une hauteur qui s’élevait de l’autre côté de l’ambitieux petit lac, à une bonne portée de mousquet de l’abbaye. Il était même possible d’apercevoir une portion du premier, et les détails confus du tailleur excitaient le désir d’en voir davantage. Nous n’avions pas entrepris notre voyage sans une ample provision de livres et de cartes géographiques. Un des premiers était heureusement dans ma poche ; bien que n’ayant espéré aucune chose extraordinaire sur cette route peu fréquentée, il n’avait point encore été ouvert. En consultant ses pages, je fus agréablement surpris de trouver que Duerckheim et ses antiquités n’avaient pas été jugées indignes de l’attention spéciale du voyageur. On y disait que le Camp des Païens indiquait le lieu où Attila passa l’hiver avant de traverser le Rhin, dans sa célèbre invasion contre la capitale du monde civilisé, quoique son origine fût attribuée à ses ennemis eux-mêmes ; bref, on croyait que c’étaient les restes d’un camp romain, un de ces ouvrages avancés de l’empire par lesquels les Barbares étaient tenus en échec, et dont les Huns s’étaient prudemment servis en avançant vers le sud. On décrivait la Pierre du Diable comme un roc naturel dans le voisinage du camp, sur laquelle les païens avaient offert des sacrifices. Les jambes de notre guide, libérées de la prison de son établi, furent mises en réquisition pour nous conduire dans un lieu contenant des curiosités si dignes de notre attention.

Tandis que nous descendions la montagne de Limbourg, Christian Kinzel nous fit un peu oublier la fatigue du chemin en nous racontant la tradition du pays sur les lieux que nous venions de quitter ; il paraîtrait, d’après cette légende, que lorsque les pieux moines projetaient d’établir leur monastère, ils firent un pacte avec le diable, afin qu’il se chargeât de tirer des carrières les pierres nécessaires pour un ouvrage aussi étendu, et de les transporter au haut de la montagne. Cette proposition convint fort à