Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/190

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frage de la fortune de son mari assez de meubles pour avoir devant les yeux des traces de ces jours plus fortunés. C’est une de ces consolations mélancoliques de l’adversité, qui sont communes parmi ceux dont la chute a été adoucie par quelque circonstance particulière, et qui, comme des avertissements à la délicatesse et à l’affection, font un touchant appel aux souvenirs du spectateur. Mais la mère de Berchthold avait encore de meilleurs droits au respect de ceux qui venaient dans son humble chaumière. Comme nous l’avons déjà dit, elle avait été l’amie de cœur d’Ulrike dans sa première jeunesse, et, par son éducation et son caractère, elle était toujours sûre de conserver la même place dans les affections de la femme du bourgmestre. Son fils recevait de médiocres appointements en numéraire ; mais le comte permettait à son forestier d’user librement du gibier ; et, comme l’économie allemande la laissait maîtresse d’une garde-robe de plusieurs générations, la respectable matrone n’avait jamais connu un besoin absolu, et pouvait en tout temps avoir une apparence plus en rapport avec son ancienne fortune qu’avec ses moyens présents. Il faut ajouter à ces avantages qu’Ulrike ne visitait jamais le Jaegerthal sans songer aux besoins de son amie, et soit que la saison, soit que ses occupations ne lui permissent pas d’accomplir ce devoir sacré en personne, elle envoyait Ilse au hameau pour la remplacer.

La cavalcade venant de l’abbaye avait nécessairement passé devant la chaumière de Lottchen, et cette dernière s’attendait à recevoir une visite. Aussi lorsque Meta, belle et heureuse, entra dans sa chaumière, suivie de la fille du concierge et accompagnée par Berchthold, bien que joyeuse de ce qu’elle voyait, la prudente matrone ne témoigna aucune surprise.

— Comment va ta mère ? furent les premiers mots que prononça la veuve lorsqu’elle eut baisé les joues fraîches de Meta.

— Elle est enfermée avec le comte Emich, à ce que dit mon père ; sans cela elle serait sûrement ici : elle m’a envoyée te le dire.

— Et ton père ? ajouta Lottchen en jetant un regard inquiet sur Meta et sur son fils.

— Il boit du vin du Rhin avec les vassaux du château. En vérité, mère Lottchen, le hameau ne doit plus être paisible depuis que ces étrangers sont au château ; nos moines de Limbourg sont