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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/196

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— Tu peux parler.

— N’as-tu jamais soupçonné que ces préparatifs de guerre dans le château, et la présence de tous ces hommes d’armes à Limbourg, présageaient quelque chose de sinistre ?

— Ces deux choses annoncent la guerre ; mais l’électeur est pressé de toutes parts, et il y a longtemps que notre Allemagne ne s’est trouvée dans une paix complète.

— Ton imagination a dû aller au-delà de ces causes générales ?

Les regards de surprise de Lottchen annoncèrent à Ulrike qu’elle se trompait.

— Et Berchthold ne t’a-t-il rien dit des intentions de son maître ? continua Ulrike.

— Il parle de batailles et de sièges comme la plupart des jeunes gens de son âge, et il essaie souvent l’armure de son grand-père qui encombre ce cabinet là-bas, car tu sais que si mes ancêtres n’ont point eu le rang de chevalier, nous avons eu des guerriers dans notre famille.

— N’est-il point irrité contre l’abbaye de Limbourg ?

— Il l’est, et il ne l’est pas. Je suis fâchée de le dire, il y a un peu de ressentiment contre les moines, chez tous les habitants du Jaegerthal. Ce ressentiment est excité dans mon fils par Gottlob, son frère de lait, le gardien de bestiaux.

— Ce ressentiment est descendu du seigneur au vassal. Tout ce que Gottlob dit, Emich fait plus que de le penser.

— Il y eut cependant une débauche dans le château entre Boniface et le comte, pas plus tard que la nuit dernière !

— Trop d’aveuglement pour tout ce qui te passe devant les yeux, chère Lottchen, est une des habitudes vertueuses de ton âme. Le comte d’Hartenbourg médite la chute de l’abbaye, et il m’a juré aujourd’hui que si je veux amener Heinrich à le seconder dans ses desseins, il fera usage de toute son influence, de toute son autorité, pour contribuer à unir Berchthold et Meta.

Lottchen écouta cette nouvelle, dominée par la surprise silencieuse avec laquelle les personnes douces et sans soupçons écoutent dans le premier moment les projets hardis des ambitieux.

— Ce serait un sacrilège s’écria-t-elle avec chaleur. — Si nos désirs l’emportaient sur nos sentiments religieux, ce serait insulter aux autels de Dieu.

Il y eut un moment de silence. Lottchen se leva de sa chaise