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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/218

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— C’était le désir qu’elles en éprouvaient qui les portait à cette indulgence, répondit l’anachorète d’une voix humble ; il n’est que trop vrai que, échauffé par le vin et égaré par la colère, je fis violence, en présence de mes gens armés, à ces objets sacrés pour lesquels les catholiques ont tant de vénération. Dans un montent d’ivresse et de folie, je pensai plus aux applaudissements grossiers de parasites pris de vin, et à la confusion d’un prêtre, qu’à la juste colère de Dieu ! Dans mon impiété je foulai aux pieds l’hostie, comme depuis Dieu foula aux pieds mon orgueil.

— Pauvre Odo ! ce crime affreux changea nos deux destinées ! Et vous adorez maintenant cet Être auquel vous avez fait une si grande injure ! votre cœur est revenu à la foi de votre jeunesse.

— Cela n’était pas nécessaire pour me faire sentir tout le poids de ma faute ! s’écria l’anachorète dont les yeux commencèrent à perdre cette expression de sensibilité que lui avait inspirée la présence de la douce Ulrike, et qui s’animèrent du feu d’un remords entretenu depuis si longtemps dans les habitudes d’une sombre dévotion. Le Seigneur de l’univers n’est-il pas mon Dieu ? l’insulte était pour lui ; soit qu’il y ait erreur dans une forme de religion ou dans une autre, j’étais dans son temple, au pied de ses autels, en la présence de son esprit ; je me moquai des devoirs qu’il impose, je défiai son pouvoir, et tout cela pour obtenir un indigne triomphe sur un moine effrayé !

— Malheureux Odo ! ou cherchâtes-vous un refuge après cet acte de folie ?

L’anachorète regarda attentivement sa compagne, comme si des images touchantes et terribles se fussent mêlées en foule dans son esprit.

— Mes premières pensées furent pour vous, dit-il ; le coup téméraire de mon épée ne fut pas plus tôt porté, qu’il me sembla voir un abîme s’ouvrir subitement entre nous. Je connaissais votre piété sincère, et je ne pouvais, même dans ce moment de folie, me tromper sur votre décision. Lorsque je fus en lieu de sûreté, je vous écrivis la lettre à laquelle vous répondîtes, et dans laquelle vous mêlâtes tant de fermeté et une si grande horreur pour mon crime à une sensibilité si touchante. Lorsque vous renonçâtes à moi, je devins errant sur la terre, et depuis ce moment jusqu’à celui de mon retour en ces lieux, je continuai cette vie vaga-