Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/250

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sincèrement respectueux ; mais c’est à maître Heinrich qu’il faut vous adresser, car c’est lui qui dirige nos mouvements.

— Eh bien ! c’est sur toi, Heinrich, comme chef de cet attentat, que tombera le poids le plus lourd de la malédiction du ciel. Qu’importe que les bénédictins soient avides, qu’ils aient trop d’arrogance, ou que quelques-uns d’entre eux aient oublié leurs vœux ! ce temple en est-il moins le temple du Seigneur ? en est-ce moins son autel, devant lequel tu ne crains pas de te présenter avec un cœur haineux et des intentions hostiles ?

— Allons, bonne Ulrike, répondit Heinrich en baisant le front pâle mais toujours beau de sa femme, qui avait appuyé sa tête sur son épaule pour reprendre ses sens, tandis qu’elle tenait la main due bourgmestre fortement serrée dans les siennes, comme pour l’empêcher d’aller plus loin ; — allons, tu es une excellente femme, mais, vois-tu, ton sexe n’entend rien à la politique. Cette affaire a occupé plus d’un conseil : et, par ma barbe, langue de femme ne saurait changer les résolutions de Duerckheim. Allons, retire-toi avec ta nourrice, et laisse-nous faire ce qui nous convient.

— Et il te convient donc, Heinrich, de braver le ciel ? Ne sais-tu pas que les crimes du père retombent sur l’enfant ; — que le mal fait aujourd’hui, quand même nous remporterions un succès éphémère, ne peut manquer d’être suivi d’un châtiment terrible ? Quand même il n’y aurait d’autre pouvoir que la conscience, tant que ce juge redoutable restera sur la terre, il n’y a pas d’impunité à espérer. Dois-tu donc tout à ton conseil de Duerckheim et à sa politique intéressée ! As-tu oublié l’heure où mes pieux parents t’ont donné ma main, la manière dont tu m’as engagé ta foi, la promesse que tu as faite au pied de l’autel de me protéger moi et les miens, de me tenir lieu des amis que je n’avais plus, de père et de mère ; en un mot, d’être tout pour celle qui s’unissait à toi ? Meta, — ce gage de notre mutuelle tendresse, — Meta n’est-elle rien pour que tu te fasses un jeu de compromettre son avenir et sa tranquillité ? Allons, cède à un bon mouvement ; abjure un moment d’erreur ; songe à ta famille, songe à ceux que la nature et la loi condamnent à souffrir de tes fautes, comme elles les autorisent, par les nœuds les plus sacrés, à se réjouir de ta clémence et de ta merci.

— Jamais femme a-t-elle été plus acharnée à se jeter à la tra-