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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/282

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ce serait un grand soulagement pour les laïques, et notamment pour les artisans, qui pourraient s’occuper exclusivement de leur métier, puisqu’ils auraient pour veiller sur eux des gens en état de mettre en déroute le diable le plus malin !

Arnolph écouta patiemment cette digression, et il remercia de l’accueil bienveillant et amical qui lui était fait par une légère inclination de tête. Il était trop habitué à entendre appliquer à des intérêts purement matériels l’exercice de son saint ministère pour s’étonner du langage du forgeron, et il avait un sentiment trop humble de son mérite pour mépriser personne comme au-dessous de lui. Les chrétiens semblent divisés en deux grandes classes : les uns, qui ne considèrent les consolations de la religion que sous leur forme palpable et mondaine, et les autres, dont les pensées sont tellement concentrées dans les abstractions du spiritualisme, qu’ils la considèrent comme une théorie métaphysique, dans laquelle le but principal est de conserver l’harmonie logique. Quant à nous, nous la regardons comme un don de Dieu à celles de ses créatures qui ont une âme aussi bien qu’un corps ; et, envisagée dans ses rapports avec le temps d’épreuve que nous avons à passer ici-bas, elle ne nous semble pas pouvoir être entièrement séparée de l’un ou de l’autre des grands attributs de notre nature. Ce n’était sans doute pas sous ce point de vue que l’honnête forgeron considérait la question, et il est probable que, si l’on eût approfondi la chose, on eût trouvé que la plupart des habitants de Duerckheim pensaient comme lui.

— Vous venez, bon père, comme la colombe dans l’arche, porteur de la branche d’olivier, reprit Heinrich ; quoique dans nos régions septentrionales une feuille de chêne eût été plutôt l’emblème, si l’une de nos collines verdoyantes eût été le mont Ararat.

— Je viens pour présenter les conditions de nos frères et pour tâcher de décider les esprits un moment égarés des habitants de Duerckheim à les accepter. Les saints abbés, de concert avec les révérends pères en Dieu, les évêques de Spire et de Worms, maintenant assemblés dans cette dernière ville, m’ont permis de les représenter dans cette circonstance, et je ne vous cacherai pas que je l’ai demandé moi-même, de peur qu’un autre, au lieu d’avoir recours aux instances et aux prières, ne se laissât entraîner à de vaines menaces.

— De par le ciel ! vous avez agi sagement, comme vous faites