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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/284

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ville dont on peut mesurer le tour en si peu de temps, entreprennent seuls de leur résister. Mais il est un point sur lequel il est de mon devoir d’insister particulièrement : ce sont les maux qu’entraînerait infailliblement le mécontentement du chef de l’Église.

— Et si son front se rembrunit à la lecture du récit de notre expédition, quelles en seront donc pour nous les conséquences, révérend prieur ?

— D’être signalés comme exclus du troupeau, d’être abandonnés à la folie et à la dépravation de vos propres cœurs ; en un mot, d’être excommuniés.

— Hum ! ce pourrait être un assez bon moyen de recruter des partisans au frère Luther. Vous savez, digne Arnolph, qu’on approfondit de jour en jour davantage ces points controversés.

— Plût à Dieu qu’on les examinât avec plus d’humilité et avec plus d’intelligence ! Si vous regardez les anathèmes ou les bénédictions de celui qui a reçu du ciel le pouvoir de bénir et de maudire comme choses de peu d’importance, ce ne sont pas mes faibles paroles qui pourront en augmenter l’effet ; mais s’il en est parmi vous qui ne soient pas préparés à aller aussi loin que votre bourgmestre vient de le faire entendre, ils trouveront peut-être prudent de s’arrêter avant de s’exposer au risque terrible de vivre sous le poids de la malédiction du ciel !

Les bourgeois se regardèrent l’un l’autre d’un air de doute, comme des gens peu préparés, pour la plupart, à pousser la résistance aussi loin. Les uns tremblaient intérieurement, l’influence de l’habitude et de la tradition détruisant celle des opinions nouvelles ; les autres pesaient mûrement les conséquences temporelles plutôt que les spirituelles ; plusieurs enfin ne trouvaient pas impossible de supporter l’anathème en si bonne compagnie. On voit des gens par milliers, prêts à braver le danger lorsqu’ils sont réunis, qui, seuls, craignent de s’exposer aux moindres hasards ; et peut-être le soldat, en marchant à l’assaut, est-il plus soutenu par l’exemple de ses camarades que par la crainte de la honte ou le désir de la gloire. Telle était à peu près la position des conseillers municipaux de Duerckheim, et chacun d’eux prenait de l’assurance ou éprouvait de l’inquiétude selon qu’il trouvait l’expression de l’un ou de l’autre de ces sentiments sur la figure de son voisin.

— Avez-vous quelque proposition plus matérielle à faire ?