Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/288

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Himmel ! murmura le forgeron ; ce serait presque un crime de déposséder des gens qui savent écrire ainsi !

Un murmure d’approbation se fit entendre dans la foule, et il n’y eut pas un assistant, à l’exception d’un idiot qui, la bouche béante, s’était glissé dans un coin, qui n’affectât d’éprouver plus ou moins de plaisir de la lecture des dépêches. L’idiot lui-même eut sa part de satisfaction ; car, par une sorte d’attraction sympathique, sa figure passive prit l’expression d’un contentement qui semblait si vif et si général.

Ludwig se mit alors en devoir de traduire la lettre dans la langue rude et énergique que l’on parle sur les bords du Rhin. Il sut mettre si bien à profit toutes les ressources qu’elle offre pour rendre les nuances même les plus délicates de la pensée, qu’il n’y eut pas un seul mot qui ne fût reproduit avec fidélité. Tout ce que les moines avaient voulu dire se trouva minutieusement exprimé, et peut-être même au-delà, comme si le traducteur avait trouvé un malin plaisir à exagérer la force de chaque expression.

Nous n’avons nullement l’intention d’essayer à notre tour de lutter avec lui, mais nous nous contenterons de dire en peu de mots ce que la lettre contenait. Elle commençait par des compliments généraux assez semblables à ceux que, dans les premiers siècles de l’Église, les apôtres adressaient aux églises de l’Orient. Elle contenait ensuite un récit court, mais énergique, des derniers événements, qui étaient qualifiés d’une manière dont le lecteur peut se faire aisément une idée ; puis elle nommait les autorités spirituelles et temporelles qui avaient promis leur appui et leur concours à la communauté ; et elle finissait par réclamer, sous peine de tous les châtiments du ciel et de la terre, une somme énorme en or, en réparation du dommage matériel qui avait été fait ; — la soumission complète et absolue de la ville à la juridiction de la communauté, ce qui était plus qu’on n’avait jamais demandé ; — l’aveu public et général de la faute, accompagné d’une foule de pénitences et de pèlerinages, accomplis par ceux des fonctionnaires qui y étaient désignés ; — enfin la remise, entre les mains de l’abbé, de la personne d’Heinrich Frey et de onze autres des principaux notables, pour rester en otage jusqu’à l’entière et parfaite exécution de toutes ces conditions.

— Sssssst ! siffla Heinrich, quand Ludwig eut enfin terminé, après avoir déployé une fatigante prolixité, qui avait complète-