Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/290

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vous savez comme moi, dignes bourgeois, que Henricus signifie Heinrich, et que Frey se prononce à peu près de même dans toutes les langues. C’est ce que m’ont appris une longue expérience et des études assez approfondies. Je rends grâces aux révérends bénédictins de cette marque de bienveillance toute particulière, quoique je ne puisse approuver la manière dont ils parlent des otages.

— Je me disais bien, murmura le forgeron, que maître Heinrich serait traité avec les plus grands égards. Dites donc, artisans, mes amis, voilà ce que c’est pourtant que d’être honoré dans sa ville et d’avoir un nom !

— Quelle est cette trompette qui se fait entendre ? s’écria tout à coup le bourgmestre. Ces rusés moines ont-ils bien osé se jouer de nous, en nous envoyant la fleur de leur troupeau pour nous amuser par de belles paroles, tandis qu’ils s’avancent en armes pour nous surprendre !

Cette supposition ne parut nullement agréable à la plupart des conseillers, et notamment au vieux Wolfgang, qui, malgré son âge, ne semblait pas moins inquiet de sa sûreté personnelle que les autres. Plusieurs sortirent précipitamment, et ceux qui restaient semblaient retenus plutôt par la crainte que par un sentiment de patriotisme. Heinrich était le plus intrépide, et cependant il allait de fenêtre en fenêtre, comme un homme qui n’était pas à son aise.

— Si les misérables nous ont joué un pareil tour, s’écria-t-il, qu’ils prennent garde à eux ! ce ne sont pas leurs capuchons qui nous feront peur !

— Peut-être, digne et respectable Heinrich, dit le rusé Ludwig, peut-être envoient-ils ce trompette pour recevoir les otages.

— Que les saints mages les maudissent, eux et leur impudent musicien ! — Eh bien ! qu’y a-t-il ? demanda-t-il à un messager qui accourait à toutes jambes ; qui fait ce tintamarre à nos portes ?

— Le noble comte de Hartenbourg est aux portes de la ville du côté de la vallée, à la tête d’une nombreuse troupe de cavaliers, honorable bourgmestre ; il s’indigne du délai qu’on met à le recevoir ; mais comme le capitaine de garde à la consigne la plus sévère de n’ouvrir à personne, il n’ose admettre le comte sans une autorisation spéciale.

— Dites au brave et fidèle bourgeois qu’il ouvre les portes, et