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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/301

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des objets qu’il était à peine possible de découvrir, de la position exacte que nous voulons faire prendre au lecteur. Plus loin, toujours dans la même direction, un voyageur favorablement placé aurait pu voir se prolonger vers le nord et vers l’est les ondulations d’un paysage où se faisaient remarquer les traits caractéristiques d’une région dans laquelle les montagnes des Alpes commencent en quelque sorte à se fondre dans la plaine. Ce paysage était comme parsemé de grandes taches d’un bleu foncé, qu’on eût pu prendre pour autant de réverbérations du ciel, et qui étaient de légères nappes d’eau, tranquilles et transparentes. Du côté du sud et de l’ouest, la plaine était bornée dans presque toute sa longueur par un mur naturel de rocs gris, qui, vers le centre, s’élevait à une hauteur prodigieuse et formait deux cônes pointus, dont la forme, jointe à d’autres circonstances qui seront bientôt expliquées, leur avait fait donner le nom de « Mitres. »

Près de la barrière de montagnes, et presque immédiatement au-dessous de ces Mitres naturelles, était un petit village dont les maisons construites en bois avaient ces toits larges, ces fenêtres nombreuses, et cette couleur de résine, qui caractérisent une habitation suisse. C’était un village plutôt qu’un hameau, et presque toutes les terres qui l’entouraient, ainsi que celles qui s’étendaient à plusieurs milles à la ronde, offraient l’image d’une aridité complète. Sur une éminence près du hameau, dont il n’était séparé que par une vaste esplanade, ou pelouse, s’élevait un de ces labyrinthes de toits, de cheminées et de tourelles, qui marquaient alors, et qui du reste marquent encore aujourd’hui l’emplacement d’un couvent. Les bâtiments étaient vastes, entassés sans beaucoup d’ordre, et leur construction ne faisait pas beaucoup d’honneur au goût et à la science de l’architecte. Il y régnait je ne sais quel air de richesse et de rudesse en même temps. Au centre était une église ou chapelle, dont le dessin primitif avait été évidemment d’une grande simplicité, mais qui ensuite avait été surchargé d’une foule d’ornements conformes au goût de l’époque, et qui attestaient qu’on avait voulu ne rien épargner pour l’embellir, et que, si l’on n’avait pas mieux réussi, il fallait l’attribuer en grande partie à un vice radical de construction, auquel il avait été impossible de remédier

La plaine et le hameau que nous venons de décrire étaient situés dans le célèbre canton de Schwitz, petit district qui depuis