Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/316

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vigoureux poumons d’Heinrieh et du forgeron, qui pourtant modéraient leurs voix, répétaient les prières de manière à ce qu’elles retentissent au loin. Les femmes répondaient d’un ton de douceur et agitées d’un léger tremblement. Ils avancèrent ainsi pendant un mille, et ils entrèrent alors dans le hameau.

Un exprès avait annoncé à la communauté d’Einsiedlen l’approche des pénitents allemands. Par une étrange perversion des humbles doctrines du fondateur de la religion, on attachait beaucoup plus d’importance aux expiations et aux offrandes des princes et des grands seigneurs, qu’à celles qui venaient d’une source plus modeste. Tous les habitants du hameau, et la plupart de ceux qui étaient venus visiter la chapelle, étaient donc accourus pour voir la procession. Le nom d’Emich se répétait tout bas de bouche en bouche, et les regards curieux cherchaient à reconnaître le puissant baron sous le costume uniforme des pèlerins. Après une foule de conjectures, l’opinion générale parut choisir la personne du forgeron pour celle de l’illustre pénitent ; distinction que Dietrich devait à la vigueur de ses poumons, à sa taille élevée, et surtout à la ferveur qu’en sa qualité de pèlerin soudoyé il croyait de son devoir de manifester sur ses traits et dans toutes ses manières.

Entre autres traditions qui contribuent à donner une célébrité populaire à la châsse de « Notre-Dame-des-Ermites, » il en est une qui dit que, dans une occasion qu’il est inutile de rappeler, le fils de Dieu, sous la figure d’un homme, visita cette chapelle privilégiée. On va jusqu’à prétendre qu’il étancha sa soif à la fontaine qui coule, pure et abondante, comme toutes les sources de ce pays, devant la porte du couvent ; et comme l’élément limpide se divise et coule à travers différents tubes de métal, il est d’usage que les pèlerins, en arrivant, en boivent quelques gouttes à chacune de ces ouvertures, pour participer à la vertu qu’eût dû lui donner les lèvres divines. Il y avait aussi un plat d’argent où l’on montrait des empreintes qui y avaient été faites par les doigts de Jésus, et c’était la coutume d’y poser la main ; mais la cupidité moderne a dépouillé le temple de cette preuve évidente de la visite auguste qu’il avait reçue, à cause de la valeur du métal qui la fournissait ; et de ces deux pratiques, la première seule est encore en vigueur.

Arnolph s’arrêta devant la fontaine, et en fit lentement le tour