Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/318

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blonds cheveux, et l’habitant du Tyrol et de la Suisse, arriver par groupes, fatigués et le pied traînant ; nous les avons considérés buvant avec une sainte joie à tous les jets de la fontaine ; et les ayant suivis jusqu’au pied de l’autel, nous avons admiré l’immobilité parfaite dans laquelle ils restaient à genoux, sans détourner un instant leurs regards de l’image divine qui semblait absorber leurs pensées. La curiosité seule nous avait amené, et cependant jamais, dans le cours d’un pèlerinage de plusieurs années en pays étrangers, nous ne nous sommes trouvé plus complètement isolé que dans ce moment de toutes les sensations qui nous étaient le plus habituelles. Ils arrivaient par troupes de vingt à trente, et, sans s’arrêter pour échanger un mot entre eux, sans songer à prendre un instant de repos, ils allaient droit à la chapelle, et, tombant à genoux, ils y restaient des heures entières, l’œil fixe, l’air contrit, murmurant les premières prières d’expiation devant Marie. — Mais reprenons notre récit.

Pendant la première heure qui suivit l’arrivée des pèlerins de Duerckheim, rien n’annonça qu’on se fût aperçu de leur présence dans l’intérieur du couvent. Les officiants allaient et venaient comme s’il n’y eût eu que des pécheurs ordinaires à l’entrée de l’église, et la sainte image semblait recevoir ces prières d’expiation avec une tranquillité surnaturelle. À la fin, Arnolph se leva, et, comme si ses mouvements étaient surveillés, une cloche retentit aussitôt au fond du chœur. On vit s’ouvrir une porte latérale qui communiquait au reste des bâtiments, et tous les frères entrèrent dans l’église. Arnolph se remit immédiatement à genoux, et il fit signe à ses compagnons d’en faire autant. Malgré l’extrême fatigue qu’ils éprouvaient dans leur position, les hommes obéirent, mais aucune des femmes n’avait encore bougé de place.

Les bénédictins d’Einsiedlen s’avancèrent dans l’ordre qui a déjà été décrit dans les processions de Limbourg. Les jeunes moines marchaient en tête et les dignitaires fermaient la marche. Dans ce siècle, leur abbé était ordinairement d’une noble et ancienne famille ; car l’Église, ne négligeant aucun moyen de maintenir son influence, a toujours cherché à s’appuyer sur les préjugés qui règnent parmi les hommes. Le prélat qui était à la tête de cette communauté privilégiée possédait en outre, par le seul fait de son titre, de grandes distinctions honorifiques, car il était nommé abbé mitré et prince de l’empire le jour de sa consécration.