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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/344

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prendre les armes pour soutenir sa cause ne serait pas digne de les porter. Eh bien ! digne Frey, tu gardes le silence ?

— J’espère, noble comte Emich, que je ne fais que ce qui est convenable à un pèlerin, à un homme qui a besoin de se rappeler ses devoirs, de crainte que la ville qui l’a envoyé ne lui reproche sa négligence.

— Par la vérité de Dieu, maître bourgmestre ! si quelqu’un ici doit se souvenir de Duerckheim, c’est le souverain seigneur de cette ville. Ainsi, égayez-vous, en allégeant notre fardeau, toujours sous la faveur et les bonnes grâces de cette communauté hospitalière.

— Vous êtes un serviteur de la croix ? demanda l’abbé d’Einsiedlen à Albrecht de Viederbach, en faisant signe au chevalier de s’approcher.

— Un indigne serviteur, prince et pieux Rudiger ; et je puis ajouter que je suis un serviteur de la croix qui a cédé aux séductions de la bonne chère et de la société, sans parler de la force du sang ; sans cela cette expiation m’eût été épargnée.

— Je n’ai point fait mention de votre état pour vous en faire un reproche, répondit le courtois prélat. Une telle licence ne conviendrait pas à l’hospitalité. Dans ces murs nous faisons une grande différence entre la table et le confessionnal.

— Cette distinction est juste et promet un respect éternel à votre doctrine, en dépit de toutes les hérésies. L’écueil contre lequel Luther viendra se briser ainsi que ses adhérents, du moins suivant l’opinion d’un ignorant, est le désir d’obtenir une perfection à laquelle les hommes ne peuvent atteindre. La religion est bonne en elle-même, comme la chevalerie ; mais ni les prêtres ni les chevaliers ne pourraient porter en tout temps une armure. Le schismatique veut faire un moine d’un laïque, tandis que ce qu’il y a de plus beau dans la création c’est l’ordre qui y règne ; et celui qui est chargé du salut des âmes suffit pour sa profession sans imposer ce fardeau aux épaules de celui qui a déjà plus d’affaires temporelles qu’il ne peut en supporter.

— Si beaucoup de personnes pensaient comme vous, mon fils, nous aurions moins d’embarras et une meilleure discipline. Nos autels ne sont pas inutiles, et si ceux qui les fréquentent pensaient qu’ils suffisent à leur sûreté, le monde s’épargnerait de grandes disputes, et répandrait moins de sang. Mais avec des opinions