Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/369

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les ossements décharnés du moine sont encore dans les ruines ?

Le paysan fut réduit au silence par le ton impérieux de son maître, mais il ne fut nullement convaincu. Un long silence s’ensuivit ; car cette petite comédie, jouée près du comte, n’avait pas le moins du monde distrait l’attention solennelle de la masse. Enfin, le gosier des chiens mystérieux s’ouvrit de nouveau, et les cris parurent être ceux d’une meute qui se précipite d’une forêt touffue dans une plaine. Au bout de quelques moments les cris se répétèrent, et l’on ne pouvait contester qu’ils vinssent de la bruyère découverte qui entourait le Tenfelstein. La crise devenant alarmante, grâces aux superstitions attachées à un tel lieu dans le commencement du seizième siècle, Emich lui-même chancelait, quoiqu’il eût une vague assurance de la folie qui portait à croire que des chiens vivants fussent conduits par le fantôme d’un forestier ; il y avait cependant tant de moyens de trancher cette difficulté lorsque le grand point de la chasse surnaturelle était admis, qu’il trouvait peu de soulagement dans cette objection. Descendant de la pierre sur laquelle il était monté, il était sur le point d’appeler les prêtres et Heinrich à ses côtés, quand un cri général s’éleva parmi les hommes, tandis que les femmes se précipitaient troupe autour d’Ulrike, qui s’agenouillait, ainsi que Lottchen et Meta, devant le grand crucifix de l’ancienne cour du couvent. En moins d’une minute Emich reprit sa première place sur la muraille en ruines, qui s’ébranla de ce choc impétueux.

— Que signifie ce tumulte irrespectueux ? demanda le comte en colère.

— La meute ! mon seigneur comte, la meute ! répondirent cinquante paysans qui respiraient à peine.

— Expliquez-moi ce que cela veut dire, Gottlob.

— Mon seigneur comte, nous avons vu les chiens sautant là-bas sur les limites de la montagne ; là, juste sur la même ligne que le Teufelstein. Je connais bien ces chers animaux, seigneur Emich, et, croyez-moi, ce sont bien les vieux favoris de Berchthold.

— Et Berchthold ! continuèrent un ou deux des plus amateurs du merveilleux. Nous avons vu le défunt forestier, noble Emich, bondir à la suite des chiens, comme s’il avait des ailes !

L’affaire devenait sérieuse, et le comte descendit lentement dans la cour, déterminé à l’examiner à fond.