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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/371

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venait originairement des moines, par l’entremise de quelques-uns de leurs agents secrets, il ne vit d’autre manière de la détruire efficacement qu’en démontrant la fausseté des bruits populaires. De notre temps et dans notre pays[1], une arme de ce genre, forgée par un miracle, serait d’elle-même devenue inutile ; mais, dans l’ancien hémisphère, il existe encore, de nos jours, des contrées austères qui sont gouvernées en partie par des opinions de ce genre. À l’époque de notre histoire, la masse était si ignorante et dans une si grande dépendance, que les hommes même qui étaient le plus intéressés à détruire les erreurs populaires avaient les plus grandes difficultés à vaincre leurs propres doutes. On a vu qu’Emich, quoique disposé à secouer le joug de l’Église, tenait assez à ses anciens préjugés pour craindre secrètement l’autorité même qu’il était sur le point de braver, et conserver de graves scrupules, non seulement sur la politique, mais sur la légalité du plan que l’ambition le pressait d’adopter. C’est de cette manière que l’homme devient l’instrument des différentes passions et des projets qui l’assiégent, tantôt cédant, tantôt combattant pour résister, suivant la force des raisonnements qui se présentent à son esprit ; proclamant qu’il est gouverné par la raison et contenu par des principes, tandis qu’en réalité il consulte rarement l’une ou respecte les autres, à moins que tous ensemble ne s’offrent sous la forme d’un puissant intérêt qui exige une attention active et immédiate. Alors ses facultés sont soudain éclairées, et il s’empare de tous les arguments qui se présentent, de ceux qui ne sont que plausibles comme de ceux qui sont vrais ; et il arrive, ainsi que nous le voyons fréquemment, qu’une société entière fait une évolution morale d’un seul trait, adoptant cette année une masse de principes qui sont tout à fait en opposition avec ceux qu’elle professait auparavant. Heureusement tout ce qui est ainsi gagné par les bons principes a de la durée, puisque, quelle que soit la conduite de ceux qui les professent, les principes eux-mêmes sont immuables ; et lorsqu’ils sont une fois admis sincèrement, ils ne sont pas facilement détruits par les doctrines bâtardes de l’erreur ou de la convenance personnelle. Ces changements sont graduels relativement à ces avant-coureurs de pensées qui préparent la route pour les progrès des nations, mais qui, en général, précè-

  1. L’Amérique.