Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/372

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dent de si loin leurs contemporains qu’ils sont entièrement hors de vue au moment de la réformation ou révolution, quelque nom que l’on donne à ces secousses subites ; mais, relativement à la masse, elles ont lieu souvent par un coup de main ; un peuple entier s’éveillant comme par magie, imbu de nouvelles maximes, aussi promptement que l’œil quitte la représentation d’une scène pour en contempler une autre.

Notre but dans cet ouvrage est de représenter la société sous ses points de vue ordinaires, et son passage de l’influence d’un principe dominant à un autre. Si nos efforts s’étaient bornés à représenter le travail d’un seul esprit supérieur, le tableau, quoique vrai par rapport à l’individu, aurait été faux relativement à une sociétés, puisqu’une telle étude se serait réduite à suivre les conséquences de la philosophie et de la raison, qui n’en valent pas mieux peut-être lorsqu’elles sont liées à l’humanité ; tandis que celui qui voudrait représenter le monde, ou une partie matérielle du monde, doit peindre les passions et les intérêts vulgaires avec les couleurs les plus hardies, et se contenter de tracer la partie intellectuelle comme un arrière-plan sacrifié. Nous ignorons si quelqu’un sera disposé à faire la réflexion que nos travaux doivent suggérer, et sans laquelle ils n’ont aucune utilité ; mais en même temps que nous admettons leur imperfection, nous sentons aussi que ceux qui les examineront avec calme et candeur conviendront que notre tableau ne manque pas de vérité.

Nous aurions écrit en vain s’il était nécessaire de nous arrêter sur la nature des pressentiments qui obsédaient l’esprit du comte et celui d’Heinrich, pendant qu’ils descendaient la montagne de Limbourg à la tête de la procession. La politique et le dessein de conserver les avantages qu’ils avaient payés si cher les occupaient, tandis que le doute et tous leurs anciens préjugés contribuaient à leur donner de la crainte.

Le peuple avançait à peu près dans le même ordre qu’il avait observé en montant aux ruines de l’abbaye. Les pèlerins étaient en tête, suivis des prêtres de la paroisse et des enfants de chœur ; puis venait le reste du peuple, tremblant, curieux et plein de dévotion. Les changements religieux existaient déjà cependant, mais plutôt dans les doctrines et chez le petit nombre, que dans les pratiques et parmi la foule ; et on se rappellera que tous les rites