Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/54

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— Le comte Emich, mon père ? nous pensons qu’il est sage de reconnaître que c’est un grand seigneur. L’électeur n’a pas un plus hardi chevalier, ni l’empereur un plus hardi vassal. Nous disons qu’il semble être brave et loyal.

— Tu attaches une grande importance à ces brillantes qualités.

— Connaissant la fragilité de l’homme, mon père, et la propension que nous avons à l’erreur lorsque nous voulons juger d’actes et de raisons qui sont plus profonds que notre science, nous croyons que c’est le plus prudent. Ainsi ne parlons plus de Duerckheim, par prudence.

— Pour un gardeur de bestiaux tu ne manques pas d’esprit… Sais-tu lire ?

— Grâces à Dieu. La Providence a mis cette bonne fortune en mon chemin lorsque j’étais enfant, révérend moine, et je l’ai ramassée comme j’aurais avalé un bon morceau.

— C’est un don qui peut faire plus de tort que de bien à un homme de ta profession, et qui portera peu de profit à ton troupeau.

— Je ne peux pas assurer que mes vaches en soient plus heureuses, quoique, pour vous dire toute la vérité, mon père, il y en ait parmi elles qui semblent l’être.

— Voudrais-tu prouver un fait non-seulement improbable, mais impossible ? Tu as été la dupe de quelque fripon. Il y a eu un grand nombre de ces œuvres du démon répandues depuis la découverte de cet imprudent frère de Mayence. J’aimerais à savoir de quelle manière un animal peut profiter de l’art de l’imprimerie.

— Patience, père Siegfried, et vous le saurez. Je suppose un paysan qui sache lire et un autre qui ne le sache pas. Je supposerai encore qu’ils sont l’un et l’antre serviteurs d’Emich d’Hartenbourg. Les voilà partis un matin avec leurs bestiaux. Celui-là prend le chemin des montagnes du comte, et celui-ci, ayant lu la description des limites des terres de son seigneur et de celles du saint abbé de Limbourg, prend un autre sentier parce que le savoir ne peut suivre l’ignorance. Enfin le lecteur atteint un pâturage plus proche et meilleur que ne le fait celui qui s’est rendu sur des terres qui n’avaient été déjà foulées que trop souvent par le sabot des vaches et les pieds des hommes.

— Ton savoir n’a pas beaucoup éclairci tes idées, Gottlob, quoi qu’il ait fait pour le bien-être de ton troupeau ?