Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/68

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devoir de tranquilliser la conscience des pénitentes. Il conviendrait mieux qu’un des pères, dont la tonsure est entourée de cheveux gris, occupât le confessionnal dans une église si fréquentée par les jeunes et belles filles de Duerckheim.

— Tu ferais bien d’écrire à ce sujet à l’évêque de Worms, ou à notre saint abbé, de ta belle écriture. Tu as la science d’un clerc, maître Berchthold, et tu persuaderais !

— Je voudrais que toutes les écritures que j’ai faites eussent produit des résultats heureux. Vous avez eu de fréquentes preuves de la franchise de mon style, Méta, sinon de mon talent.

— Allons, allons, trêve de galanterie, cela nous fait oublier l’ermite. Ma mère,… je ne sais pas pourquoi, mais maintenant que tu m’y fais penser, je trouve que sa conduite s’éloigne des règles qu’elle suit ordinairement : il est certain qu’elle encourage ces visites à l’Heidenmauer. Nous sommes bien jeunes, Berchthold et nous pouvons ne pas comprendre tout ce qui entre dans des têtes plus vieilles et plus sages.

— Il est singulier que le solitaire nous recherche tous les deux ; s’il vous donne des conseils de préférence aux autres demoiselles de la ville, il me protége aussi plus particulièrement que les autres jeunes gens du Jaegerthal !

Il y avait dans cette idée un charme qui procura à ces deux jeunes gens sans expérience une douce émotion. Ils causèrent de la sympathie inexplicable qui existait entre eux et l’ermite, longtemps et avec un grand intérêt, car il leur semblait que c’était un lien de plus entre eux. Malgré tout ce que peuvent dire la philosophie et l’expérience à ce sujet, il est certain que l’homme est disposé à être superstitieux, relativement aux influences secrètes qui guident sa fortune dans le sombre passage du monde. Soit que le mystère qui enveloppe son avenir, ou la conscience qu’il a que ses succès les plus désirés sont le résultat de circonstances qu’il ne peut diriger, ou bien encore, soit que Dieu ait placé ce sentiment dans le cœur humain, afin de nous enseigner l’obéissance envers un pouvoir supérieur, il est certain que peu d’hommes possèdent une force de raison assez grande pour ne pas attribuer une partie de ce qui doit arriver aux chances du hasard on de la Providence ; c’est ainsi que nous appelons les pouvoirs dirigeants, soit qu’on admette on qu’on rejette l’agence immédiate de la Divinité dans la conduite des intérêts ordinaires de la vie.