Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/87

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plir cet office pour nous, et de manière à nous mettre sur la trace de ses desseins. Courage, saint abbé ! la cause de Dieu ne tombera pas faute de secours. Quand les justes ont-ils jamais déserté la bonne cause ?

L’abbé de Limbourg secoua la tête, de manière à exprimer peu de foi dans une intervention miraculeuse. Il s’enveloppa plus étroitement du manteau qui servait en quelque sorte à le déguiser, et pressa de l’éperon sa monture, excité par le désir violent de devancer, s’il était possible, les sons qui, suivant sa conviction, devaient annoncer son arrivée ; Le prélat ne s’était pas trompé, car aussitôt que cette sauvage harmonie eut pénétré jusqu’au château, ce signal fut communiqué aux personnes qui l’habitaient.

Il y eut alors un mouvement général parmi les oisifs des cours. Des officiers passèrent au milieu des soldats, renvoyant dans leurs gîtes secrets ceux que l’excès des liqueurs avait rendus ingouvernables, et commandant aux plus obéissants de les suivre. En quelques minutes, et longtemps avant que les moines, qui arrivaient cependant de toute la vitesse de leurs chevaux, eussent eu le temps d’atteindre le hameau, la forteresse était plongée dans une parfaite tranquillité ; et ressemblait au château de tout autre puissant baron en temps de paix. Emich avait présidé lui-même à ces dispositions, prenant de grandes précautions pour qu’aucun traînard ne parût, pour trahir les préparatifs qui existaient dans l’intérieur des murailles. Lorsque tout fut terminé, il se dirigea avec ses deux compagnons près de la porte d’entrée, afin de recevoir les moines à leur arrivée.

La lune était montée assez haut à l’horizon pour éclairer le revers de la montagne et pour donner aux tours et aux remparts d’Hartenbourg des formes pittoresques, relevées encore par les ombres qui les entouraient. Les signaux semblaient avoir excité dans tous ceux qui habitaient le hameau, comme parmi les habitants du château, une muette attention. Pendant quelque temps la tranquillité fut si profonde et si générale, qu’on distinguait le murmure du ruisseau qui serpentait autour des prairies. Puis on entendit les pas rapides des chevaux.

— Nos religieux sont pressés de goûter ton vin du Rhin, noble Emich, dit Albrecht de Viederbach, qui réfléchissait rarement, ou bien ce sont leurs chevaux que j’entends dans la vallée.