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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/89

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ment ce signe avec lequel un prêtre catholique répand ses bénédictions. Que saint Benoît et la Vierge vous prennent tous sous leur sainte protection. J’espère que nous ne nous sommes pas fait attendre ?

— Vous venez toujours à propos, mon père, soit le matin, soit le soir. Hartenbourg reçoit une marque d’honneur lorsque votre tête vénérable passe sous son portail.

— Nous avions un grand désir de t’embrasser, mon fils, mais quelques devoirs religieux qui ne pouvaient être négligés nous privaient de ce plaisir. Entrons, car je crains que l’air de la nuit ne fasse mal à ceux qui sont découverts.

À cette prudente suggestion, Emich, avec de grandes démonstrations de respect, conduisit ses hôtes dans l’appartement qu’il venait de quitter. Là recommencèrent les hypocrites salutations, qui, dans ce siècle de perfidie, à demi barbare, précédaient souvent la violation des obligations les plus sacrées. De notre temps nous nous trompons avec plus de mesure peut-être, mais nous ne sommes ni moins fourbes, ni moins vicieux. Ils parlèrent beaucoup du plaisir que leur causait cette réunion, et les assurances d’amitié du puissant mais politique baron n’étaient pas plus fausses que la sainteté prétendue et la charité officielle du prêtre.

L’abbé de Limbourg et ses compagnons étaient venus à cette fête avec des vêtements qui cachaient en partie leur caractère religieux ; mais lorsque leurs manteaux furent ôtés, ils parurent revêtus des habits de leur ordre. Le prélat se distinguait de ses inférieurs par ces insignes des dignitaires de l’Église qu’un abbé avait l’habitude de porter lorsqu’il n’était point occupé du service de l’autel.

Lorsque les convives furent à leur aise, la conversation prit une direction moins personnelle ; car bien qu’il fût ignorant comme son cheval de bataille en tout ce qui avait rapport à la culture des belles-lettres, Emich d’Hartenbourg ne manquait point de cette politesse qui convenait à son rang, et qui, à cette époque, et dans cette partie de l’Allemagne, était jugée tout à fait digne d’un seigneur féodal.

— On dit, révérend abbé, continua le comte en dirigeant l’entretien sur un sujet favorable à ses vues secrètes, que notre commun maître le prince électeur est terriblement pressé par ses ennemis,