CHAPITRE XII.
otre héroïne était femme dans toute la douce et séduisante
acception de ce mot ; sensible, réservée, timide sur tous les points
qui n’exigeaient pas l’exercice des hautes qualités dont elle était
douée, elle était ferme dans ses principes, constante dans ses
affections, et, lorsque son devoir secondait sa tendresse, dévouée
jusqu’à un degré qui ne connaissait aucun sacrifice. D’un autre
côté, sa promptitude à recevoir de vives impressions (un des
traits caractéristiques de son sexe), l’habitude d’attacher de l’importance
aux usages dont elle était entourée, et qui est nécessairement
plus vive chez ceux qui mènent une vie solitaire et inactive,
augmentaient la difficulté d’échapper au joug de l’opinion,
et de traiter avec indifférence ce qui était respecté, comme ce qui
était entaché d’un sentiment de dégoût. Dans une position différente,
si Sigismond avait été noble, et Adelheid la fille d’un bourreau,
il est probable que le jeune homme aurait trouvé les moyens
de satisfaire sa passion sans faire un grand sacrifice à sa fierté,
en transportant sa femme dans son château, en lui conférant un
nom depuis longtemps établi, en la séparant de tout ce qu’il y
avait de désagréable ou de dégradant dans ses relations ; et, trouvant
pour lui des distractions dans les devoirs de son rang, il
aurait affaibli les ennuis et souvent les chagrins d’une alliance
disproportionnée. Voilà les avantages que la nature et les lois de
la société accordent aux hommes sur le sexe le plus faible, mais
le plus sincère : et cependant combien il y en a peu qui eussent
eu assez de générosité pour faire un semblable sacrifice ! Adelheid,
dans de telles circonstances, eût été forcée de quitter l’honorable
et ancien nom de sa famille, pour en adopter un qui était infâme
dans le canton ou si, par la faveur, on eût pu éviter cette première
disgrâce, cela eût inévitablement attiré l’attention sur une
origine qu’on voulait cacher. Elle n’avait aucune distraction à