Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/13

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avoir d’enfants, qu’un enfant abandonné de cette manière était un don spécial que le ciel faisait à chacune d’elles, fut obligé d’envoyer mon père dans la maison de charité. Il est heureux, pour l’authenticité de ma généalogie, que tel ait été le résultat de la démarche de la marchande d’oranges ; car si mon digne père avait éprouvé les heureux élans et les caprices généreux de la charité volontaire, il est plus que probable que je serais forcé de tirer un voile sur ces importantes années de sa vie qu’il passa notoirement dans la maison de charité, et qui, par suite de cet événement, sont rendues authentiques par des documents inattaquables. C’est ainsi qu’il n’existe aucune lacune dans les annales de ma famille. Ce temps, que l’on ne se rappelle dans la vie du commun des hommes que par le commérage insignifiant qui en cite quelques sottes histoires, se trouve authentiquement constaté dans celle de mon père depuis l’instant où il fut trouvé jusqu’au jour de sa majorité présumée ; car il fut mis en apprentissage chez un maître soigneux, dès que la paroisse put légalement (je ne dis pas décemment) s’en débarrasser. Je devrai savoir déjà dit que la marchande d’oranges, d’après l’enseigne de la boutique d’un boucher, à la porte duquel elle avait trouvé mon père, lui avait fort ingénieusement donné le nom de Thomas Goldencalf[1].

Cette seconde transition dans les affaires de mon père pourrait se regarder comme un présage de sa fortune future. Il était apprenti chez un marchand qui vendait des articles de fantaisie, c’est-à-dire des objets qu’achètent ordinairement ceux qui ne savent que faire de leur argent. Ce commerce fut d’un immense avantage pour la prospérité future du jeune aventurier ; car, indépendamment du fait bien connu que ceux qui amusent leurs semblables sont mieux payés que ceux qui les instruisent, sa situation le mit à portée d’étudier ces caprices de l’esprit humain, qui, lorsqu’on sait en profiter, sont par eux-mêmes une mine de richesses, et d’apprendre cette importante vérité, que les plus grands événements de la vie sont le résultat de l’impulsion beaucoup coup plus souvent que du calcul.

J’ai appris par une tradition directe, qui m’a été transmise par la propre bouche de mon père, que personne n’aurait pu être plus heureux que lui dans le choix d’un maître. Ce digne person-

  1. Thomas Veau d’or.