Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/158

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-Holder pour me faire réélire, afin de protéger les intérêts de ceux qui avaient naturellement droit d’attendre de moi cette légère faveur.

Nous renvoyâmes le pilote quand nous eûmes doublé les îles de Scilly, et M. Poke prit le commandement du vaisseau tout de bon. En descendant le canal, il n’avait guère fait qu’arpenter la cabine, examinant tous les êtres, et fait faire connaissance à son pied avec l’anatomie du pauvre Bob ; c’était le nom du mousse, qui, au dire du capitaine, était admirablement conformé pour cette partie de son service. Mais à peine le pilote nous eut-il quittés, que notre navigateur arbora ses véritables couleurs, et nous montra de quel bois il se chauffait. La première chose qu’il fit fut de faire tirer à force de bras toutes les cordes, boulines et drisses du navire ; puis il donna une bonne rincée aux enseignes pour leur montrer, — comme il me le dit ensuite en confidence, — qu’il était capitaine de son bâtiment ; il fit entendre à l’équipage qu’il n’aimait pas à répéter demi fois la même chose, privilège qu’il abandonnait très-volontiers aux hommes et femmes des congrès ; et alors il parut satisfait de lui-même et de tout ce qui l’entourait.

Une semaine après notre départ, je me hasardai à demander au capitaine Poke s’il ne serait pas convenable de prendre une observation, et d’avoir recours à quelques moyens pour savoir où l’on était. Noé repoussa cette suggestion avec un souverain mépris. Il ne voyait pas l’avantage d’user des quarts de cercle sans nécessité. Nous savions que c’était vers le sud qu’il fallait nous diriger, puisque nous allions au pôle sud ; tout ce que nous avions à faire était de rester à tribord de l’Amérique et à bâbord de l’Afrique. À coup sûr, il y avait quelque chose à dire des vents alizés, et il fallait parfois faire la part des courants ; mais le navire et lui auraient bientôt fait connaissance, et alors tout irait comme une horloge.

Quelques jours après cette conversation, j’étais sur le tillac juste au point du jour, et, à ma grande surprise, Noé, qui était dans son hamac, cria au contre-maître, à travers l’écoutille, de lui dire exactement quel était le gisement de la terre. Personne n’avait encore vu de terre ; mais en l’entendant nous nous mîmes à regarder autour de nous, et effectivement il y avait une île qu’on voyait confusément du côté de l’est. Sa position, d’après la boussole, fut immédiatement communiquée au capitaine, qui