Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/244

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la plus grande importance au mépris de toutes les vanités du monde, à l’assujettissement de la chair et au renoncement aux pompes et à la vaine gloire de l’ambition, des richesses, du pouvoir et des facultés intellectuelles. En un mot, la seule chose qu’ils regardent comme nécessaire est l’humilité, — l’humilité, — l’humilité. Une fois qu’ils se sont humiliés au point de ne plus être en danger d’une rechute, ils commencent à entrevoir une lueur de sécurité ; ils s’élèvent graduellement à l’état de juste, et ouvrent leur âme à l’espérance.

Le brigadier m’entretenait encore avec éloquence de ce sujet intéressant, quand une porte s’ouvrit, et un huissier à verge d’or, ou à quelque autre verge, annonça le très-révérend père en Dieu Sa Très-Éminente Grâce, le sérénissime prélat ; le saint très-puissant, très-gracieux et très-glorifié, le primat du royaume de Leaphigh.

Le lecteur se figurera aisément la vive curiosité avec laquelle je m’avançai pour tâcher de voir un saint sous un système religieux aussi sublime que celui de la grande famille des Monikins. La civilisation ayant fait d’assez grands progrès pour dispenser tout le peuple, et même le roi et la reine, de porter aucun vêtement, je ne voyais pas de quel nouveau manteau de simplicité les chefs de l’Église pouvaient se couvrir. Peut-être se coupaient-ils tout le poil du corps en signe d’humilité particulière, et se montraient-ils nus jusqu’à la peau pour démontrer quels pauvres misérables ils étaient, charnellement parlant. Peut-être allaient ils au ciel à quatre pattes pour prouver qu’ils se jugeaient indignes d’entrer en présence des purs esprits dans une attitude plus droite et annonçant plus de confiance en eux-mêmes ? Eh bien ! tout ce que je me figurais n’était qu’une preuve de terreur et de la fausseté des idées d’un homme dont l’intelligence n’avait pas été développée par les bienfaits d’une civilisation portée au plus haut degré. Sa Grâce, le très-révérend père en Dieu, portait un manteau d’une finesse et d’une beauté extraordinaires. L’étoffe en était fabriquée avec le dixième poil de chaque Monikin de Leaphigh, qui se soumettait à ce tribut afin de pourvoir décemment à tous les besoins de l’humilité du primat. Le manteau était donc naturellement très-ample, et il me parut que le prélat ne savait trop qu’en faire, d’autant plus que le tribut lui en procurait un nouveau chaque année. Je désirais jeter un coup d’œil sur