Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/255

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verrons du moins quelle est la Jurisprudence de Leaphigh. — Allons, Allons, je vois que vous êtes prêt ; soyons aussi exacts que s’il s’agissait d’un duel.

Noé prit son parti, et se soumit à son sort avec dignité. Cependant il s’arrêta sur la grande place pour s’assurer d’où venait le vent, et il était évident qu’il lui aurait confié la décision de l’affaire plus volontiers qu’aux juges, s’il avait su où trouver son équipage. Heureusement pour notre honneur, c’était une chose impossible, et, bannissant de ses traits toute expression de crainte, le brave marin entra dans la salle de justice d’un pas ferme et avec une mâle intrépidité. J’aurais dû dire plus tôt que nous avions reçu dès la pointe du jour une signification portant que l’affaire avait été retirée de la juridiction des juges, la haute cour criminelle de Leaphigh l’ayant évoquée.

Le brigadier Downright nous attendait à la porte, et nous y trouvâmes aussi une douzaine d’avocats à figure grave, dont l’air semblait dire qu’ils étaient disposés à se charger de la cause d’un étranger sans exiger de plus forts honoraires que de coutume. Mais j’avais résolu de défendre moi-même Noé, si la cour le permettait, car j’avais un pressentiment que sa sûreté dépendait d’un appel aux droits de l’hospitalité, plutôt que de tout ce qu’on pourrait dire pour sa défense. Cependant, comme le brigadier m’avait offert ses services gratuits, je ne jugeai pas à propos de les refuser.

Je passerai légèrement sur l’arrivée des juges, la formation d’un jury, et toutes les formes préliminaires, car elles sont à peu près les mêmes dans tous les pays civilisés, et elles offrent partout la même apparence de justice. Le premier chef d’accusation, — car malheureusement il y en avait deux, — imputait à Noé d’avoir, de propos délibéré, malicieusement attaqué la dignité du roi, en employant à cet effet des armes illégales ; comme bâtons, poignards, mousquets, etc., et notamment la langue, et d’avoir accusé Sa Majesté en face d’avoir de la mémoire. L’autre chef, répétant la même formule que le premier, accusait l’honnête capitaine d’avoir, traîtreusement accusé Sa Majesté la reine, au mépris des lois, et au détriment des bonnes mœurs et de la paix de la société, de n’avoir pas de mémoire. Interrogé s’il se reconnaissait coupable sur le premier chef, le capitaine répondit négativement.