Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/359

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et prit parti de notre côté. Heureusement nous l’emportâmes ; tous les intérêts lésés se joignirent au dernier moment au parti le plus faible, on dit d’autres mots au parti le plus juste, et Leaplow présenta le singulier spectacle d’un pays qui votait pour un acte de toute justice pendant l’occultation du grand postulant moral dont nous avons déjà parlé. Je devrais expliquer ici que j’ai souvent appelé le principe un postulant, simplement parce qu’il se trouve ordinairement dans le dilemme d’une proposition disputée.

Aussitôt que le résultat fut connu, mon digne collègue se dirigea vers le côté horizontal de la chambre pour exprimer combien il était satisfait de lui-même et du parti qu’il avait pris. Il dit qu’il était certainement très-agréable et très-commode d’obéir à un Divin, que ses cartes en allaient bien mieux maintenant qu’il pouvait porter toute son attention sur cet objet ; que d’ailleurs il y avait quelque chose au fond de son cœur, une sorte de souvenir de Stonington, qui le rendait heureux après tout d’avoir bien fait et d’avoir voté pour le chemin entier. Il ne possédait aucune terre dans Leaplow ; et ce qu’il avait fait, il l’avait fait pour le bien général : s’il n’y avait rien gagné, il n’y avait rien perdu non plus, et il espérait que tout se terminerait pour le mieux. Les habitants de l’île, il est vrai, avaient promis de belles choses à ceux qui prendraient leurs intérêts ; mais il était las des dons en promesses ; de belles promesses ne produisaient pas grand effet sur un homme de son âge. Il pensait que personne ne pouvait taxer son vote d’être intéressé, car il était aussi pauvre après avoir donné sa voix que lorsqu’il réfléchissait s’il la donnerait à tel ou tel parti ; que sa conscience était si tranquille qu’il pourrait regarder en face le diacre Snort, le pasteur, et même miss Poke, lorsqu’il retournerait chez lui. Il savait ce que c’était que d’avoir une conscience claire, aussi bien qu’aucun homme au monde, car personne ne savait mieux ce que c’était que le besoin, que ceux qui l’avaient éprouvé. Son Divin était un divin fort convenable ; mais il avait découvert qu’il venait d’une autre partie de l’île, et qu’il s’inquiétait fort peu de quel côté votait sa clientèle. Enfin, il défiait personne de dire cette fois un mot contre lui, et il n’était pas fâché que l’occasion se fût présentée de montrer son indépendance ; car ses ennemis avaient déjà remarqué que depuis quelques jours il ressemblait à un écho répétant tout ce que son Divin