Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/125

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Cependant la force de sa résolution ne se démentit point. Il ne songea pas un instant à se relâcher le moins du monde de ce qu’il croyait lui être dû ; et il ne conçut pas le plus léger doute sur la possibilité de réussir dans la grande entreprise qui était un sujet de dérision pour tant d’autres. Autant son cœur était déchiré, autant il y puisait de courage. — Il existe un Dieu sage, miséricordieux et tout-puissant, s’écria-t-il en levant les yeux au ciel ; il sait ce qui convient à sa gloire, et c’est en lui que je mets ma confiance. — Un instant de silence suivit ces paroles. Ses yeux brillèrent, un sourire presque imperceptible se dessina sur ses traits graves, et il ajouta : — Oui, Dieu choisit son temps ; mais l’infidèle recevra la lumière, et le Saint Sépulcre sera délivré.

Après cet élan d’enthousiasme, cet être extraordinaire aux cheveux duquel les soucis et les fatigués avaient déjà donné la couleur de la neige, poursuivit son chemin avec la dignité calme d’un homme qui croyait qu’il n’avait pas été créé pour rien, et qui comptait sur Dieu pour l’accomplissement de sa destinée. Si quelques soupirs s’échappaient de temps en temps de sa poitrine, ils ne troublaient pas la tranquillité de sa physionomie vénérable. Si le chagrin et le désappointement pesaient encore sur son cœur, ils y trouvaient une base qui était en état de les soutenir.

Laissant Colomb suivre le chemin ordinaire à travers la Véga, nous retournerons à Santa-Fé, où Ferdinand et Isabelle avaient de nouveau établi leur cour après avoir passé quelques jours dans leur nouvelle conquête.

Luis de Saint-Angel était un homme qui sentait vivement, et qui suivait volontiers l’impulsion de la générosité. C’était un de ces esprits rares qui prennent l’avance sur leur siècle, et qui permettent à leur raison de se laisser éclairer par leur imagination, mais non de l’éblouir. Après avoir quitté Colomb, comme nous l’avons déjà dit, avec son ami Alonzo de Quintanilla, ils s’avancèrent vers le pavillon des souverains, en causant de ce grand homme, de ses vastes projets, de la manière dont il avait été traité, et de la honte qui couvrirait l’Espagne si l’on souffrait qu’il en partît ainsi pour toujours. Franc dans tous ses discours, le receveur des revenus ecclésiastiques mesurait rarement ses termes, et en cette occasion chaque mot qu’il prononçait trouvait un écho dans le cœur du maître-général des comptes, qui était un ami à toute épreuve du célèbre navigateur. Lorsqu’ils arrivèrent