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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/145

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habitée que par des infidèles : la Providence semble lui avoir départi ces richesses pour servir de récompense au monarque chrétien qui emploiera son pouvoir à en convertir les habitants. La mer des environs est couverte de petites îles. Marco Polo nous dit qu’on en a compté jusqu’à sept mille quatre cent quarante, et il n’y en a pas une seule qui ne produise des arbres odoriférants et des plantes d’un parfum délicieux. C’est donc là, Señor et Señora, mes gracieux souverains, que j’ai dessein de me rendre d’abord, laissant de côté toutes vues secondaires, pour ne songer qu’à servir vos deux royaumes et l’Église. Si nous arrivons en sûreté à Cipango, comme nous le ferons, je l’espère, avec la grâce de Dieu et le secours d’un zèle qui ne se laisse pas facilement ébranler, après deux mois d’une heureuse navigation, mon projet est de passer ensuite sur le continent, et de chercher le Khan lui-même dans son royaume de Cathay. Le jour où mes pieds toucheront le sol de l’Asie, sera un jour glorieux pour l’Espagne et pour tous ceux qui auront pris part à l’exécution d’une si grande entreprise.

Les yeux pénétrants de Ferdinand étaient fixés sur le navigateur, tandis que celui-ci énonçait ses espérances avec ce profond et sincère enthousiasme ; et en ce moment le monarque lui-même aurait pu trouver assez difficile d’analyser ses propres sentiments à ce sujet. Le tableau des richesses que Colomb venait d’offrir à son imagination, n’avait pas moins d’attraits pour lui, quoique sa méfiance et sa circonspection habituelles le lui fissent envisager avec quelque incrédulité. L’attention et les pensées d’Isabelle ne furent occupées que de pieuses aspirations pour la conversion et le salut des infidèles, car son esprit était la pureté même. Ainsi les deux souverains, chacun par une impulsion différente, se trouvaient alors portés à être favorables à ce voyage.

On descendit ensuite dans les détails du projet ; on récapitula toutes les demandes de Colomb, et elles furent accordées par ceux qui avaient le plus grand intérêt dans cette affaire. Il ne fut plus question de l’archevêque de Grenade ni de ses objections. Eût-il été un monarque traitant avec des monarques, le Génois n’aurait pu être plus satisfait des égards avec lesquels on écouta ses prétentions. On accueillit même sa proposition de payer le huitième des frais de l’expédition et de toutes celles qui pourraient avoir lieu par la suite, à la charge de lui abandonner