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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/160

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La duègne prononça ces mots d’un ton qui n’était nullement celui des femmes de sa classe, et, avec une bonne humeur qui semblait difficile à ébranler, puisque les remarques peu galantes de don Luis n’y avaient porté aucune atteinte.

— Vous ne fermerez pas la porte, Pépita, s’écria Mercédès en rougissant, et s’avançant pour l’en empêcher. Que peut avoir à me dire le comte de Llera que vous ne puissiez entendre ?

— Le noble cavalier a à vous parler d’amour, ma chère enfant.

— Et est-ce là ce qui vous effraie, vous qui connaissez si bien le langage de l’affection ? Tous vos discours n’ont-ils pas respiré ce sentiment depuis que je vous connais et que je suis confiée à vos soins ?

— C’est un mauvais présage pour vous, Señor, dit Pépita en souriant, tandis qu’elle suspendait le mouvement de la main qui tenait la porte pour la fermer, si doña Mercédès ne voit votre affection que sous le même point de vue que la mienne. — Sûrement, ma chère enfant, vous ne pouvez m’envisager comme un jeune et galant cavalier venu à vos pieds pour ouvrir son âme ni croire que le langage de simple affection dont je me sers avec vous puisse ressembler à ce qui découlera des lèvres d’un Bobadilla désirant gagner le cœur de la plus belle fille de Castille.

Mercédès baissa les yeux, car, quoique innocente comme la pureté même, son cœur lui disait qu’il devait y avoir une différence entre le langage d’une duègne et celui d’un amant, même quand ils ne voulaient l’un et l’autre qu’exprimer leur affection. Sa main droite laissa échapper la porte qu’elle avait saisie pour empêcher Pépita de la fermer, et elle l’employa ainsi que la gauche à se cacher le visage, couvert d’une vive rongeur. Pépita profita de ce moment pour fermer la porte. Un sourire de triomphe brilla sur les beaux traits de Luis, et après avoir fait une douce violence à sa maîtresse pour la reconduire au fauteuil qu’elle avait quitté lorsqu’il était arrivé, il s’assit à ses pieds sur un tabouret, et se plaçant en face de celle qu’il révérait comme son idole, il reprit la parole :

— Voilà le modèle des duègnes ! s’écria-t-il ; j’aurais dû savoir qu’aucune femme de l’école déraisonnable et malavisée de cette engeance ne pouvait être tolérée près de votre personne. — Cette Pépita est un véritable joyau, et elle peut se regarder comme établie dans sa place pour toute sa vie, si, par suite de l’adresse de ce Génois, de ma propre résolution, du repentir de la reine