Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/161

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et de vos bonnes grâces, Mercédès, je suis assez heureux pour devenir votre époux.

— Vous oubliez, Luis, dit Mercédès tremblante, mais riant de l’idée qu’elle exprimait ; vous oubliez que si le mari estime la duègne que l’amant ne pouvait souffrir, l’amant peut estimer la duègne qui déplaît au mari.

Peste ! il y a trop de raffinement là-dessous pour la philosophie de Luis de Bobadilla, qui va toujours droit devant lui. Il n’y a qu’une chose que je prétende savoir, dont je ne permets à personne de douter, et que je suis prêt à soutenir en face de tous les docteurs de Salamanque, et de toute la chevalerie de la chrétienté, en y comprenant celle des infidèles : c’est que vous êtes la plus belle, la plus douce, la plus aimable, la plus vertueuse, et en toutes choses la plus attrayante fille de toute l’Espagne, et que nul chevalier vivant n’aime et n’honore sa maîtresse comme je vous aime et je vous honore.

Le langage de l’admiration est toujours flatteur pour les oreilles d’une femme, et Mercédès, accordant aux paroles de son amant un mérite de sincérité que son ton et ses manières garantissaient pleinement, oublia sa duègne et l’observation maligne qu’elle venait de faire elle-même, pour ne songer qu’au plaisir d’écouter des assurances d’affection qui lui étaient si agréables. Cependant la timidité de son sexe et la date encore récente de leur confiance mutuelle firent qu’elle y répondit avec une certaine réserve.

— On m’a dit que vous autres jeunes cavaliers qui aspirez après des occasions de montrer votre adresse et votre courage dans les tournois, la lance au poing, vous faites sans cesse de semblables protestations en l’honneur de quelque noble demoiselle, afin d’engager les autres à vous contredire, de montrer ainsi votre prouesse comme chevalier, et de gagner du renom.

— Cela vient de ce que vous êtes si souvent enfermée dans les appartements privés de doña Béatrix, de peur que les yeux de quelque audacieux Espagnol ne profanent votre beauté en l’admirant. Nous ne sommes plus dans ce siècle des chevaliers errants et des troubadours, temps où les hommes commettaient mille folies pour paraître encore plus faibles que la nature ne les avait faits. Dans ce siècle, vos chevaliers discouraient beaucoup d’amour, mais dans le nôtre, ils le sentent. — En vérité, je crois que cela rappelle un peu la moralité profonde de Pépita.

— Ne dites rien contre Pépita, Luis ; songez qu’elle s’est mon-