Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/234

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chez qui se conserve une tradition relative à l’existence d’une terre située à l’ouest, et dont plusieurs même croient l’avoir vue plus d’une fois dans le cours de leur vie.

— J’en ai entendu parler, noble dame ; et puisque la conversation est tombée sur un objet qui nous intéresse tous si vivement, j’aimerais à recevoir quelques détails de la bouche d’un témoin oculaire.

— En ce cas, Señor, je prierai ce digne cavalier de nous servir d’interprète, et de vous rapporter ce que croient tous les habitants de ces îles, et ce qu’un grand nombre d’eux s’imaginent avoir vu. — Señor Dama, informez, je vous prie, l’amiral de quelle manière singulière vous voyons tous les ans une terre inconnue bien loin dans l’Atlantique.

— J’y consens, doña Inez, et d’autant plus volontiers que c’est vous qui me le demandez, répondit le señor Dama, qui, avec cet empressement que les amateurs du merveilleux sont si prompts à montrer quand ils trouvent une occasion favorable de se livrer à leur penchant favori, se disposa à faire le récit de cette histoire.

— L’illustre amiral a probablement entendu parler de l’île de Saint-Brandan, qui est située à quatre-vingts ou cent lieues à l’ouest de l’île de Fer, qui a été vue si souvent, mais à laquelle aucun navigateur n’a encore été en état d’arriver, du moins de nos jours.

— J’ai souvent entendu parler de cette île fabuleuse, Señor, répondit Colomb d’un ton grave ; mais vous m’excuserez si je dis qu’il n’a jamais existé une terre qu’un marin ait vue, et à laquelle un marin n’ait pu arriver.

— Pardon, noble amiral, s’écrièrent une douzaine de voix, parmi lesquelles celle de doña Inez se faisait distinctement entendre ; — qu’on ait vu cette île, c’est ce que savent la plupart de ceux qui sont ici ; et qu’on n’ait jamais pu y arriver, c’est ce que bien des pilotes désappointés peuvent certifier.

— Ce qu’on a vu, on le connaît ; et ce que l’on connaît, on peut le décrire, répondit Colomb avec fermeté. Qu’on me dise sous quel méridien ou quel parallèle est située cette île de Saint-Brandan ou Saint-Barandon, et dans une semaine je saurai certainement si elle existe.

— Je ne me connais ni en méridiens ni en parallèles, don Christophe, répliqua le señor Dama, mais j’ai quelque idée des choses visibles. J’ai vu plusieurs fois cette île plus ou moins dis-