Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/241

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désire vous dire quelques mots relativement à la réussite de notre voyage, quand vous aurez le loisir de m’écouter, noble Señor, et qu’il n’y aura autour de vous aucune oreille dont vous ayez à vous méfier.

— Tu peux me parler librement à l’instant même : ce cavalier est mon secrétaire, et à toute ma confiance.

— Il n’est pas nécessaire que je dise à un aussi grand pilote que Votre Excellence, qui est le roi de Portugal, et à quoi ont été occupés les marins de Lisbonne depuis bien des années, puisque vous savez tout cela mieux que moi. J’ajouterai seulement qu’ils découvrent toutes les terres inconnues qu’ils peuvent, pour s’en emparer, et qu’ils tâchent, autant qu’il leur est possible, d’empêcher les autres d’en faire autant.

— Don Juan de Portugal est un prince éclairé, l’ami ; et tu ferais bien de parler de lui avec le respect dû à son rang et à son caractère. Son Altesse est un souverain libéral, et il a fait partir de ses ports de nobles expéditions

— Oui, Señor, et cette dernière n’est pas la moindre dans ses desseins et ses intentions, répondit Sancho en regardant l’amiral avec un air d’ironie qui indiquait que le drôle avait en réserve des choses qu’il ne voulait dire qu’à bon escient. Personne ne doute que don Juan ne soit disposé à faire partir des expéditions.

— Tu as appris quelque nouvelle qu’il est à propos que je sache, Sancho. Parle librement, et sois sûr que je paierai un service de cette importance le prix qu’il méritera.

— Si Votre Excellence veut avoir la patience de m’écouter, je lui raconterai toute l’histoire avec tous ses détails les plus minutieux, de manière à n’omettre aucune circonstance, enfin à les lui faire connaître toutes aussi fidèlement qu’un prêtre pourrait le désirer dans le confessionnal.

— Parle ! personne ne t’interrompra, et la récompense sera proportionnée à ta franchise.

— Eh bien donc, señor amirante, il faut que vous sachiez qu’il y a environ onze ans, je fis un voyage de Palos en Sicile sur une caravelle appartenant à la famille Pinzon : je ne veux pas dire Martin Alonzo qui commande la Pinta sous les ordres de Votre Excellence, mais un parent de feu son père, qui faisait construire de bien meilleurs bâtiments que ceux que nous voyons à présent, dans ce temps de cordages pourris et de mauvais calfatage, pour ne rien dire de la manière dont les voiles…