Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

immédiatement au-dessous de l’étoile polaire, les quatre aiguilles en déviaient de cinq à six degrés à l’ouest. C’était un renversement aussi nouveau qu’inconcevable des lois de la nature, telles qu’on les comprenait à cette époque, et il menaçait de rendre les résultats du voyage plus difficiles à obtenir, puisque nos marins ne pourraient plus compter avec pleine confiance sur leur principal guide, et gouverner avec certitude de suivre leur route quand les nuits seraient sombres ou le temps couvert. Quoi qu’il en soit, la première pensée de l’amiral en ce moment fut de prévenir le mauvais effet qu’une pareille découverte produirait probablement sur des hommes déjà disposés à envisager tous les événements du plus mauvais côté.

— Tu auras soin de ne parler de tout ceci à personne, Sancho, dit-il. Voici un autre doublon à ajouter à ton magot.

— Votre Excellence pardonnera la désobéissance d’un pauvre marin, si ma main refuse de s’ouvrir pour recevoir votre présent. On dirait que des moyens surnaturels ont été employés dans cette affaire ; et comme le diable peut avoir mis la main à ce miracle pour nous empêcher d’aller convertir ces païens dont vous parlez si souvent, je préfère garder mon âme aussi pure qu’elle peut l’être à cet égard ; car personne ne sait de quelles armes nous pouvons être forcés de nous servir, s’il faut que nous en venions aux prises avec le père du péché.

— Du moins tu me promets d’être discret ?

— Fiez-vous à moi pour cela, señor don amirante. Pas un mot de cette affaire ne passera par mes lèvres jusqu’à ce que Votre Excellence m’ait accordé la permission de parler.

Colomb le congédia et leva les yeux sur Luis, qui avait écouté en silence mais avec attention tout ce qui venait de se dire.

— Don Christophe, dit le jeune homme avec gaieté, vous semblez déconcerté de l’interruption survenue dans les lois ordinaires de la boussole. Quant à moi, je serais porté à penser que le mieux est de nous en remettre entièrement à la Providence. C’est pour accomplir ses vues qu’elle nous a conduits ici au milieu de l’Atlantique, et il est peu présumable qu’elle veuille nous abandonner au moment où nous avons plus besoin que jamais de son aide.

— Dieu fait naître dans le cœur de ses serviteurs le désir d’exécuter ses desseins, don Luis ; mais ses agents, n’étant que des hommes, sont obligés d’employer des moyens naturels, et, pour