stance importante échappa pour le moment à l’attention générale. Ce n’était que la nuit qu’on pouvait observer la variation par le moyen de l’étoile polaire, et elle était si légère, qu’il fallait un œil très-expérimenté pour la remarquer. La journée et la nuit du 14 se passèrent donc sans que l’équipage prit l’alarme, d’autant plus que, le vent étant tombé, les bâtiments n’avaient avancé que d’environ soixante milles à l’ouest. Cependant Colomb prit note de la différence, quelque léger que fût le changement, et avec la précision d’un navigateur aussi habile qu’éclairé, il s’assura que l’aiguille variait graduellement de plus en plus vers l’ouest, quoique presque d’une manière imperceptible.
CHAPITRE XVIII.
e lendemain, samedi 15 septembre, la petite flotte était à dix
journées de Gomère, et c’était le sixième jour depuis que les aventuriers
avaient perdu de vue la terre. La semaine avait été remplie
de pressentiments fâcheux, quoique l’habitude commençât à
faire sentir son influence, et les matelots montraient moins d’inquiétudes
qu’ils ne l’avaient fait depuis trois ou quatre jours.
Leurs craintes semblaient s’assoupir faute de stimulant, mais elles
n’en existaient pas moins, et elles étaient prêtes à s’éveiller au
premier événement malencontreux. Le vent continuait à être
favorable, quoique léger, et le calcul de la route des dernières
vingt-quatre bennes n’annonçait pas une avance de cent milles
vers l’ouest. Pendant tout ce temps, Colomb porta presque toute
son attention sur les boussoles, et il s’aperçut que tandis que les
bâtiments faisaient lentement route à l’ouest, les aiguilles se dirigeaient
de plus en plus du même côté, quoique par des changements
à peine visibles.