Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/298

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son erreur. Les hommes se méprennent souvent sur les facultés physiques des animaux inférieurs de la création, et en d’autres occasions exagèrent l’étendue de leur instinct. En fait, un oiseau de peu de poids serait moins sujet à périr sur l’Océan dans cette basse latitude, qu’un oiseau plus lourd, ni l’un ni l’autre ne fût-il nageur. Les herbes marines elles-mêmes offriraient des lieux de repos sans nombre pour de petits oiseaux, et dans certains cas elles leur fourniraient probablement la nourriture. Certes, il est peu vraisemblable que des oiseaux qui vivent uniquement sur terre, prennent au loin leur vol sur la mer ; mais, sans parler de la force des vents qui entraînent souvent le hibou, cet oiseau à lourdes ailes, à des centaines de milles de la terre, l’instinct n’est pas infaillible, car on trouve fréquemment des baleines échouées dans des bas-fonds, et il n’est pas rare de rencontrer des oiseaux au-delà des limites de leurs courses ordinaires.

Quelle que pût avoir été la cause de l’heureuse apparition de ces petits habitants des vergers sur les vergues de la Santa-Maria, elle n’en produisit pas moins le meilleur effet sur l’esprit de l’équipage de cette caravelle. Aussi longtemps qu’ils chantèrent, nul amateur n’aurait pu écouter avec plus d’enthousiasme les plus brillants morceaux exécutés par un orchestre, que ces grossiers matelots ne prêtèrent l’oreille à leurs gazouillements ; et quand les équipages s’endormirent, ce fut avec un sentiment de sécurité qui prenait sa source dans la vénération et la reconnaissance. Les chants recommencèrent au lever de l’aurore, et bientôt tous les oiseaux partirent en masse, prenant leur vol vers le sud-ouest. Le lendemain amena un calme ; lorsque le vent se reprit à souffler, ce fut avec si peu de force, que les bâtiments ne pouvaient avancer que difficilement à travers les masses d’herbes qui donnaient à l’Océan l’apparence de vastes prairies inondées. On vit alors que le courant venait de l’ouest, et peu de temps après le lever du soleil, Sancho vint faire part à Colomb d’une nouvelle cause d’alarme.

— Señor amirante, dit-il, nos gens se sont mis dans la tête une idée qui tient tellement du merveilleux qu’elle trouve aisément croyance parmi ceux qui aiment les miracles plus qu’ils n’aiment Dieu. Martin Martiñez, qui est un philosophe en matière de terreur, soutient que cette mer dans laquelle nous semblons nous enfoncer de plus en plus, couvre des îles submergées ; et que