Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/324

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vers l’ouest, comme des oiseaux dont les ailes fatiguées par un vol prolongé font de nouveaux efforts quand ils voient dans le lointain des arbres sur les branches desquelles ils pourront se reposer.

Les heures se succédèrent pourtant sans apporter la confirmation de cette heureuse nouvelle. Il est vrai que, pendant toute la matinée, l’horizon à l’ouest fut chargé de nuages qui trompèrent plus d’une fois les meilleurs yeux ; mais quand le jour fut plus avancé, et après avoir fait plus de cinquante milles, il devint impossible de ne pas attribuer les espérances du matin à quelque nouvelle illusion d’optique. Le découragement qui succéda à cette nouvelle déception fut plus amer que pour aucune de celles qu’on avait déjà éprouvées, et des murmures non équivoques, murmures qu’on ne cherchait pas à cacher, s’élevèrent de toutes parts. On disait hautement qu’une influence maligne poussait l’expédition en avant pour conduire les bâtiments à leur perte au milieu d’un océan inconnu.

On a dit qu’en ce moment Colomb fut forcé de transiger avec ses équipages, et de promettre que si l’on ne découvrait pas la terre au bout d’un certain nombre de jours, il renoncerait à son entreprise ; mais c’est à tort qu’on a prêté cette faiblesse au grand navigateur : — à l’instant où bien des gens le croyaient à l’extrémité la plus reculée de la terre, il sut conserver le plein exercice de son autorité, persister dans ses desseins, et user de son pouvoir, avec autant de calme et de fermeté qu’il l’aurait fait dans une rivière d’Espagne. Cependant la prudence et la politique lui suggérèrent enfin un changement de marche, qu’il ne fut ni assez fier ni assez obstiné pour rejeter, mais qui fut l’effet de sa propre volonté.

— D’après mes calculs secrets, Luis, nous sommes en ce moment à mille bonnes lieues de l’île de Fer, dit-il à son jeune compagnon, dans une conférence particulière qu’ils eurent après la chute du jour ; et c’est réellement le moment de nous attendre à voir les côtes de l’Asie. Jusqu’ici, je ne pouvais espérer de rencontrer que des îles, et je ne m’attendais même guère à en voir, quoique Martin Alonzo et les pilotes en aient eu de si fortes espérances ; mais les troupes nombreuses d’oiseaux que nous avons vues aujourd’hui semblent nous inviter à suivre leur vol, qui sans doute doit avoir la terre pour but. Je changerai de route