Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/335

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Santa-Maria s’avança de ce côté, et fut bientôt assez près de l’autre caravelle pour qu’on pût se parler.

— Eh bien ! Martin Alonzo, dit Colomb cachant son empressement sous un air de calme et de dignité, vous et votre équipage vous semblez être en extase ?

— Et ce n’est pas sans raison, Señor. Nous venons de passer près d’un morceau de canne, plante dont on tire le sucre en Orient, comme disent les voyageurs, et qu’on apporte souvent dans nos ports. C’est un bon signe du voisinage de la terre ; mais ce n’est rien auprès d’un tronc d’arbre que nous avons vu en même temps. Et comme si la Providence n’avait pas déjà eu assez de bonté pour nous, ces objets flottaient près l’un de l’autre, et nous y avons attaché assez de valeur pour mettre l’esquif à la mer afin de nous en assurer la possession.

— Carguez toutes vos voiles, Martin Alonzo, et envoyez-moi vos captures, afin que je puisse juger de leur valeur.

Pinzon obéit, et la Santa-Maria ayant mis en panne, l’esquif y arriva bientôt. Martin Alonzo ne fit qu’un saut du banc des rameurs sur le plat-bord de sa chaloupe, et ne tarda pas à se trouver sur le pont de l’amiral. Il s’empressa aussitôt de montrer à Colomb les divers objets qui venaient d’être retirés de la mer et que les matelots de son esquif lui jetaient sur le pont.

— Voyez, nobles Señores, dit-il presque hors d’haleine par suite de l’empressement qu’il avait de faire voir ses trésors, voici un tronc d’arbre, je ne sais de quelle espèce, mais parfaitement équarri. — Voici un fragment de canne à sucre, plante qui vient certainement de la terre ; — et voyez surtout cette espèce de canne : c’est évidemment un ouvrage de la main de l’homme, et l’on y a mis beaucoup de soin.

— Tout cela est très-vrai, dit Colomb, examinant ces objets l’un après l’autre. Gloire à la puissance de Dieu, et remercions-le de nous avoir donné ces preuves consolantes que nous approchons d’un nouveau monde. Il n’y a plus qu’un infidèle qui puisse douter du succès de notre expédition.

— Tous ces objets étaient sans doute sur quelque barque qui a coulé à fond, et cela explique pourquoi ils se sont trouvés dans l’eau si près les uns des autres, dit Martin Alonzo, voulant appuyer ses preuves physiques par une théorie plausible. Je ne serais pas surpris si nous apercevions quelques corps noyés.

— Espérons le contraire, Martin Alonzo, dit l’amiral, et ne