Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/349

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avions mis en panne pour lui donner le temps de nous rejoindre.

Colomb vit alors qu’il était abandonné par l’homme qui avait montré tant de zèle en sa faveur, et qui, en agissant ainsi, donna une nouvelle preuve que l’amitié disparaît devant l’intérêt personnel et la cupidité. D’après les rapports des naturels, il s’était répandu dans les trois équipages bien des bruits relativement à l’existence de mines d’or, et l’amiral ne douta pas que, par un acte d’insubordination, son premier officier n’eût profité de ce que son bâtiment était le meilleur voilier pour prendre l’avantage du vent dans l’espoir d’être le premier à arriver à l’el Dorado de leurs désirs. Comme le vent continuait à être contraire, la Santa-Maria et la Niña entrèrent dans le port et y attendirent un changement de temps. Cette séparation eut lieu le 21 novembre, et l’expédition, à cette époque, n’avait pas pénétré au-dela de la côte septentrionale de Cuba.

Depuis ce jour jusqu’au 6 du mois suivant, Colomb continua la reconnaissance de cette belle île. Alors il traversa ce qu’on a appelé depuis ce temps la Passe du Vent, et toucha pour la première fois aux côtes d’Haïti. Pendant tout ce temps, l’on avait eu avec les naturels d’aussi nombreuses communications que les circonstances le permettaient, les Espagnols se faisant de nombreux amis, par suite des mesures prudentes et humaines prescrites par l’amiral. Il est bien vrai qu’on commit un acte de violence en s’emparant d’une demi-douzaine d’individus pour les conduire en Espagne, et en faire offrande à doña Isabelle ; mais un tel acte pouvait aisément se justifier dans ce siècle, tant à cause de la déférence qu’on avait pour le pouvoir royal, que parce qu’il tendait au salut des âmes des prisonniers.

Nos marins furent encore plus enchantés de l’aspect montagneux mais attrayant d’Haïti, qu’ils ne l’avaient été de celui de l’île voisine, c’est-à-dire de Cuba. Ils en trouvèrent les habitants plus civilisés et formant une plus belle race que ceux d’aucune des îles qu’ils avaient vues jusqu’alors, et ils en avaient la douceur et la docilité, qualités qui avaient tellement plu à l’amiral. On leur vit aussi de l’or en grande quantité, et les Espagnols commencèrent bientôt avec eux un trafic dans lequel l’objet d’échange était, d’un côté, le métal qui excite les désirs les plus ardents de l’homme civilisé, et de l’autre des grelots à faucon.

Ce fut ainsi, et en avançant non sans danger le long de la côte, que l’amiral passa le temps jusqu’au 20 de ce mois. Il arriva