Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/431

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l’âme pure et ingénue de la reine de Castille. Elle avait été le mobile de cette entreprise, en ce qui concernait les moyens d’exécution, et jamais souveraine ne fut mieux récompensée que par le sentiment intime des résultats qui suivirent ses efforts aussi zélés que bien entendus.

Après l’agitation et le tumulte de cette journée, Isabelle s’enferma dans son cabinet : là, comme c’était sa coutume dans toutes les grandes occasions, elle se mit à genoux pour rendre grâces à la Providence divine, et la supplier de lui donner la force nécessaire pour soutenir le poids de cette nouvelle responsabilité, et de diriger ses pas sur le droit chemin, comme souveraine et comme chrétienne. Sa prière n’était finie que depuis quelques minutes ; elle était assise, la tête appuyée sur une main, et plongée dans une profonde méditation, quand elle entendit frapper à sa porte. Le coup était bien léger, mais elle savait qu’il n’existait qu’une seule personne en Espagne qui pût vraisemblablement prendre cette liberté. Elle se leva, ouvrit la porte, et le roi entra.

La reine était encore belle. Sa taille, d’une perfection admirable, avait conservé toutes ses grâces. Ses yeux n’avaient presque rien perdu de leur éclat, et son sourire toujours plein de douceur, réfléchissait les impulsions pures et bienveillantes de son cœur. En un mot, la transition de la jeunesse à l’état d’épouse et de mère n’avait fait presque aucun tort à son ancienne beauté. Mais ce soir-là, tous les charmes de sa première jeunesse semblaient s’être renouvelés tout à coup. Ses joues étaient animées d’un saint enthousiasme, ses traits épanouis par la sublimité des pensées qui occupaient son esprit, et dans ses yeux brillait un noble espoir dont la religion était l’objet. Frappé de ce léger changement, Ferdinand, après avoir fermé la porte, s’arrêta un moment pour l’admirer en silence.

— Cher Ferdinand, un nouvel empire acheté à si bon marché n’est-il pas une récompense merveilleuse pour nos faibles efforts ? dit-elle, croyant que les pensées du roi roulaient sur le même objet que les siennes. — Des richesses que l’imagination ne peut se figurer ! et des millions d’âmes à racheter de la damnation éternelle, par l’efficacité d’une grâce qui doit être aussi inattendue pour ces malheureux, que la connaissance de leur existence est nouvelle pour nous !

— Toujours pensant au salut des âmes, Isabelle ! Mais tu as raison ; car, qu’est-ce que la pompe et la gloire du monde auprès