CHAPITRE V.
ette nuit-là, la cour de Castille et d’Aragon coucha au
palais de l’Alhamhra. Dès que la cérémonie religieuse dont il a
été dit un mot dans le chapitre précédent fut terminée, la foule
se précipita dans la ville, où les princes entrèrent ensuite avec
une dignité et une pompe plus convenables à leur rang. Les jeunes
seigneurs chrétiens étaient accompagnés de leurs épouses et de
leurs sœurs ; car la présence d’Isabelle et le délai qui avait suivi
la reddition avait attiré au camp beaucoup de dames, indépendamment
de celles dont le devoir était d’accompagner la reine.
Tous s’empressèrent de visiter les cours célèbres et les appartements
richement décorés de cette résidence remarquable, et la
curiosité n’était pas encore satisfaite quand la nuit vint y mettre
momentanément des bornes. La cour des Lions surtout, place
encore célèbre dans toute la chrétienté par ses restes de beauté
orientale, avait été laissée par Boabdil dans toute sa splendeur,
et quoiqu’on fût alors au milieu de l’hiver, l’art des hommes la
montrait encore décorée de fleurs. Les salles adjacentes, celle des
Deux Sœurs et celle des Abencerrages, étaient illuminées et remplies
de guerriers, de courtisans, de prêtres, et de beautés
attrayantes.
Quoique les grâces légères, particulières à l’architecture mauresque, fussent nécessairement familières aux yeux de tous les Espagnols, l’Alhambra surpassait tellement à cet égard tous les palais élevés jusques alors par les dynasties musulmanes qui régnèrent sur cette contrée, que tous ceux qui le voyaient étaient aussi frappés de son air de fraîcheur et de nouveauté que de sa