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OU LE TUEUR DE DAIMS.

coups de feu sous les montagnes du côté de l’orient, et les échos les ont répétés si vite, qu’ils ont dû être tirés sur le rivage, ou à bien peu de distance de la côte. Nos oreilles sont accoutumées à ces sons, et elles ne peuvent se tromper.

— Elles ont fait leur devoir pour cette fois, Judith. Oui, il y a eu des coups de feu tirés ce matin, quoique en moins grand nombre qu’il en eût pu être tiré. Un guerrier est parti pour aller chasser dans les forêts de la terre des esprits. On ne doit pas s’attendre à ce qu’un homme de sang blanc se vante de ses exploits et fasse étalage de chevelures.

Judith respirait à peine en l’écoutant, et comme Deerslayer, avec sa manière tranquille et modeste, semblait disposé à ne pas en dire davantage, elle se leva, traversa la chambre, et alla s’asseoir à côté de lui. Ses manières n’avaient rien de hardi ; elles indiquaient seulement le vif instinct de l’affection et la bonté compatissante d’une femme. Elle prit la main endurcie du chasseur, la serra entre les siennes, peut-être sans le savoir, et le regarda avec intérêt, et presque avec un air de reproche.

— Vous avez combattu les sauvages, seul et sans aide, Deerslayer, par désir de nous protéger Hetty et moi. Vous les avez combattus avec bravoure, sans avoir personne pour vous encourager, ou pour être témoin de votre chute si la Providence eût permis une si grande calamité.

— Oui, Judith, oui, j’ai combattu l’ennemi, et c’était pour la première fois de ma vie. De pareilles choses doivent arriver, et elles causent un sentiment mêlé de chagrin et de triomphe. La nature humaine est une nature combattante, je suppose, puisque nous voyons les nations se battre et s’entre-tuer ; et nous devons être fidèles à notre nature. Ce que j’ai fait jusqu’ici n’est pas grand-chose ; mais si Chingachgook vient ce soir à notre rendez-vous près du rocher, comme cela est convenu entre nous, et que je puisse le ramener ici à l’insu des sauvages, ou, s’ils le savent, en dépit d’eux, alors nous pourrons voir quelque chose qui ressemblera à la guerre, avant que les Mingos s’emparent du château, de l’arche ou de vous.

— Qui est ce Chingachgook ? D’où vient-il ? Pourquoi vient-il ici ?

— Ces questions sont naturelles et justes, je suppose, quoique le nom de ce jeune homme soit déjà célèbre dans son pays. Chingachgook a dans ses veines le sang des Mohicans, et il vit avec les Delawares, comme la plupart des membres qui restent de sa tribu, qui a été détruite par l’accroissement du nombre des hommes de